L’Inspection générale et le plagiat à l’université : affaires à suivre…

Posté par Jean-Noël Darde

 
Résumé
Un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGEANR) rendu public en juin 2012 – « La fraude aux examens dans l’enseignement supérieur » – tente de traiter du problème du plagiat des étudiants. C’est un premier pas à saluer.
Mais le plagiat à l’université est un problème global qui concerne aussi bien les enseignants-chercheurs que les étudiants. On ne parviendra pas à proposer des recommandations efficaces à mettre en œuvre contre « le plagiat des étudiants » si on ignore les cas les plus emblématiques de plagiat universitaire dans lesquels sont impliqués des enseignants-chercheurs :
– Comment, malgré les alertes, la « commission déontologie » de l’université Paris 8 a-telle pu valider une thèse, plagiaire à près de 100%, avec l’appui de son conseil scientifique, son conseil d’administration et les directions de ses quatre écoles doctorales ?
– Comment des enseignants-chercheurs, spécialistes de la déontologie et de l’éthique, ont-ils pu pendant des années, pour servir leurs intérêts propres, impunément piétiner déontologie et éthique en organisant la protection de l’auteur de deux thèses plagiaires soutenues à Lille 2 et à Angers ?
– Pourquoi les instances universitaires (instances ministérielles, CNU, CPU, CNESER) ont-elles ignoré ces  affaires, pourtant objets d’alertes répétées et commentées  dans la presse ? [par ex. dans Libération, Mediapart (le 30 09 2010, le 10 10 2011 et le 29 11 2011), Le Monde (Contre-enquête nov. 2010 etarticle du 2 mai 2012) ou sur les ondes, RFI (Le plagiat dans les universités, 13 mai 2011) et France culture (émission Rue des écoles du 16 mai 2012)] .
Le règlement et l’analyse de ces affaires emblématiques sont des préalables si l’on souhaite comprendre la véritable nature des problèmes liés au plagiat universitaire et être en mesure de proposer des recommandations efficaces pour le contrer.
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L’information des plagiés, la protection des plagiés et des donneurs d’alerte, le traitement  des cas de plagiats par des instances indépendantes à l’abri des conflits d’intérêts, la responsabilisation des universités au nom desquelles sont validées et diffusées publiquement des thèses et documents plagiaires…  ce sont quelques-unes des pistes que nous proposons pour compléter les recommandations faites en conclusion du rapport de l’IGEANR

 

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RÉSUMÉ
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INTRODUCTION
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I AU SOMMET, UNE GRANDE TOLÉRANCE AU PLAGIAT
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II L’OUBLI DU PLAGIÉ
II 1 – Université Lille 2 : tolérance zéro ou cynisme 100% ?
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III ACTION PUBLIQUE ET ACTION DISCIPLINAIRE
III 1 – Plagiat et contrefaçon
III 2 – Université Lille 2 : refus de l’action disciplinaire contre le plagiaire et son directeur de thèse, pressions pour empêcher la victime plagiée de déclencher une action publique
III 3  – Valérie Pécresse, ministre : refus de l’action disciplinaire au prétexte que c’est au plagié que revient l’initiative d’une action judiciaire
III 4 – Le bureau de la 71e section du CNU : l’action judiciaire en cours prétexte au refus de prise en compte des implications de membres du CNU dans des affaires de plagiat
III 5 – Le ni-ni de Pascal Binczak, président de Paris 8
III 6 – Université Picardie Jules-Verne (Amiens) : action disciplinaire à géométrie variable
III 7 – Section disciplinaire de l’université d’Angers : comment se moquer de l’action publique et des décisions judiciaires
III 8 – Section disciplinaire de Lyon 3 : comment se moquer d’une décision du Conseil d’état
III 9 – Plagiaires, universités, bibliothèques universitaires, l’ANRT (éditeur et diffuseur) : à qui la responsabilité de la contrefaçon ?
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IV – LES DOUZE RECOMMANDATIONS DE L’INSPECTION GÉNÉRALE
IV 1 – Un retard sur l’Europe
IV 2 – Université cherche déontologues de « haut niveau » désespérément
IV 3 – Redonner du sens aux mots « déontologie » et « éthique »
IV 4 – Le plagiat à six mots
IV 5  – À nouveau, les logiciels anti-plagiat…
IV 6 – Trois recommandations de bon sens
IV 7 – Des sections disciplinaires parfois indisciplinées ou aux ordres
IV 8 – Le CNESER et sa saisie
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V FAIRE ASSUMER AUX UNIVERSITÉS LEURS RESPONSABILITÉS
V 1 – Observations A, B, C, D, E, F
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VI – DE NOUVELLES RECOMMANDATIONS ?
Propositions de 1 à 9
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NOTES de 1 à 14
 

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INTRODUCTION

Comme il est précisé sur le site du Ministère de l’éducation nationale :

L’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche contrôle, étudie et évalue le système éducatif. Son action porte sur tous les niveaux d’enseignement, du primaire au supérieur. L’IGAENR propose des mesures d’amélioration et en assure le suivi.

Ce document ajoute qu’au titre de ses missions,

L’IGAENR assure une mission permanente de contrôle, d’étude, d’information, de conseil et d’évaluation. Elle a pour vocation d’observer et d’apprécier l’organisation et le fonctionnement du système éducatif à tous les niveaux d’enseignement, pour l’enseignement primaire, secondaire et supérieur [en gras dans le texte]Elle en évalue l’efficacité et les performances, propose des mesures d’amélioration et assure le suivi de ses propositions. Elle fait connaître les innovations aux résultats positifs et signale les dysfonctionnements [souligné par nous].

Le Bulletin officiel n° 35 (2011) fait état d’une lettre du 29 septembre 2011 intitulée « Programme de travail pour l’année scolaire et universitaire 2011-2012 », signée par les anciens ministres Luc Chatel, ministre de l’Éducation nationale et Laurent Wauquiez, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Les deux ministres confient à l’IGAENR, parmi plusieurs « études et missions thématiques » celle de La fraude aux examens dans l’enseignement supérieur.

Ce rapport, La fraude aux examens dans l’enseignement supérieur, a été rédigé par quatre inspecteurs généraux de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche : Myriem Mazodier, Patrice Blemont, Marc Foucault et Stéphane Kesler. Après six mois de travaux et d’entretiens auprès de plus de 90 interlocuteurs, ce rapport a été remis à Laurent Wauquiez en avril 2012. Il n’a cependant été rendu public, avec d’autres rapports des mêmes commanditaires, qu’en juin 2012 à l’initiative de Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, du nouveau gouvernement Ayrault.

Comme le précisent les quatre inspecteurs, cette mission faisait suite à des cas de fraudes et des incidents dont la presse s’était fait largement l’écho en 2011. Ils avaient conduit à l’annulation d’épreuves de concours de médecine et du brevet de technicien supérieur (BTS). Le contexte – le plagiat n’était pas en cause dans les fraudes concernées –  et l’intitulé de la commande auraient donc pu justifier que les inspecteurs se limitent strictement aux fraudes perpétrées dans le cadre d’examens et concours « en salle ». Mais affirmant qu’à la différence d’autres pays, « au niveau national, aucun texte récent ne met l’accent sur une politique nationale de lutte contre la fraude et le plagiat » (note 1), les quatre inspecteurs ont choisi de traiter aussi du plagiat, en se limitant cependant au  seul plagiat des étudiants :

[La mission inclut] non seulement la question de la sécurité des épreuves écrites et orales des examens et concours qui ponctuent la scolarité étudiante, notamment pendant les premières années du cursus, mais aussi la question du plagiat lors de la rédaction de devoirs, de rapports de stages, de mémoires, de thèses ou celle des fraudes possibles lors des évaluations en cours de formation, même, si s’agissant de la thèse, la problématique se rapproche de celle de la fraude des chercheurs.[souligné par nous, page 3 du rapport]

On aimerait pouvoir se féliciter du parti-pris de l’Inspection générale d’inclure la problématique du plagiat dans sa mission. Mais le plagiat universitaire est un problème global qui concerne à la fois les étudiants et les enseignants-chercheurs et il paraît difficile de traiter exclusivement du plagiat des étudiants en faisant abstraction du plagiat chez les enseignants-chercheurs et de ses conséquences.

Il paraît notamment délicat de traiter des sanctions des étudiants plagiaires, sanctions dont la décision appartient aux enseignants-chercheurs, en oubliant que des enseignants-chercheurs de certaines directions d’université ou d’instances comme le CNU, ou encore le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche lui-même, restent passifs face aux plagiats avérés ou devant des enseignants-chercheurs tolérants aux plagiats. À vouloir traiter séparément le plagiat des étudiants, on s’interdit d’avoir une idée d’ensemble du phénomène et de tirer les bonnes conclusions et les meilleures recommandations.

Il reste que concernant le plagiat à l’université, ce rapport reste à saluer. Il a le mérite de rappeler quelques vérités qui, si elles ont déjà été dites et redites par tous ceux qui s’intéressent à la problématique du plagiat universitaire, sont crûment exposées ici dans un document remis au ministre et signés par quatre inspecteurs généraux :

 

page 24 :

– Au-delà du plagiaire, c’est tout un système qui n’accepte pas de voir remis en cause sa vigilance, voire ses compétences.

page 25 :

– (…) le plagié peut redouter les conséquences d’une action sur sa propre carrière.

page 30 :

– Aucun texte récent ne met l’accent sur une politique nationale de lutte contre la fraude et le plagiat

Page 48 :

– La thèse engage non seulement le docteur, mais l’université qui la délivre.

– Le plagiat interpelle la communauté universitaire dans l’essence même de son métier (…) il mine la crédibilité de l’institution (lire note 2).

– [Le plagiat] est une véritable atteinte au « code d’honneur » de l’université.

 

 

 

 

Ce rapport reprend des pistes intéressantes – notamment celle du plagié et celle de la combinaison actions disciplinaire et publique – malheureusement rarement poussées jusqu’à leur terme. Des aspects discutables de ce rapport et les faiblesses parmi les recommandations qui le concluent ne laissent pas espérer qu’il puisse annoncer une véritable rupture avec les pratiques antérieures, notamment avec la réaction fréquente qui consiste à couvrir les plagiats, même les plus graves, notamment dans les thèses et les articles, dès qu’ils impliquent des enseignants-chercheurs.

Ajoutons encore que dans un rapide historique de la fraude aux examens, « une question déjà ancienne », les inspecteurs notent (page 5) qu’au 19e siècle  « certains professeurs corrompus vendaient les sujets ou les diplômes aux étudiants les plus fortunés ». Peut-être est-ce une façon discrète de rappeler que le monde universitaire n’a pas été et n’est pas à l’abri de certaines formes de corruption. Quand les inspecteurs rappellent que le plagiat est une atteinte au code d’honneur de l’université, ils mettent le doigt sur l’essentiel : ceux qui ont perdu leur honneur sont naturellement prêts à manœuvrer dans le déshonneur pour tenter de se protéger.

Geneviève Fioraso, la nouvelle ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, affiche sa différence, aussi bien sur le fond que sur la forme, avec ses deux prédécesseurs des gouvernements Fillon : les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche « fondées sur la confiance, le dialogue et la transparence (…) permettront de faire émerger des propositions qui se traduiront, début 2013, par des mesures législatives, mais aussi réglementaires et contractuelles ». Elles seront certainement un cadre idoine pour traiter de mesures nouvelles adaptées au plagiat universitaire.

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I – AU SOMMET, UNE GRANDE TOLÉRANCE AU PLAGIAT

On doit reconnaître que les inspecteurs de l’IGEANR ont travaillé dans un contexte délicat. Le rapport a en effet été écrit sous un gouvernement familier du plagiat. Un des deux commanditaires de ce rapport, le ministre Luc Chatel, avait lui même été épinglé en flagrant délit de copier-coller (lire ici l’article du blog Lexington du 10/01/2010 etcelui de Julien Martin dans Rue 89 du 11/01/2010); Valérie Pécresse, précédente ministre de l’enseignement supérieur, avait fait preuve d’une grande passivité, pour ne pas dire plus, vis-à-vis des plagiats avérés d’une présidente d’université plagiaire de son bord politique, Louise Peltzer (cf. L’écho d’Eco, article mis en ligne sur ce blog et cet article de Philippe Jacqué, Blog du Monde du 1er avril 2011); en 2011, Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État, ami de Zadig et Voltaire mais ennemi des guillemets, avait produit du plagiat en série (voir l’article de Vincent Glad sur Slate.fr) dans « Le mieux est l’ami du bien » (éditions du Cherche-Midi). Enfin, Nicolas Sarkozy (note 3) pourtant féru du modèle allemand n’en a pas suivi l’esprit à propos du plagiat : il a en mars 2011 ouvert les portes du ministère de la défense à un plagiaire (cf. cet article de Renaud Lecadre dans Libération du 28/08/2002) le jour même où Karl-Theodor zu Guttenberg, ministre allemand de la défense était forcé à la démission après avoir été convaincu d’avoir plagié sa thèse… Last but not least, en novembre 2012, Rama Yade, ancienne ministre, publiait aux éditions Grasset un Plaidoyer pour une instruction publique vite transformé en plaidoyer pour le plagiat dans l’instruction publique. L’ex-ministre avait trouvé la formule pour défendre ses plagiats, nombreux et grossiers : des « citations libres » ! (article de Romain Rener dans le Figaro du 02/12/2011).

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II – L’OUBLI DU PLAGIÉ

Les inspecteurs ont abordé dans leur rapport le sort du plagié. Pages 24 et 25 du rapport, les inspecteurs relèvent à raison :

L’ignorance ou le silence du plagié est nécessairement un facteur de sous-estimation du plagiat. Rien n’oblige l’établissement à informer le plagié [souligné par nous] et, dans l’hypothèse où ce dernier le serait, les voies d’action restent complexes.

Les rapporteurs rappellent que le plagiat au niveau de la thèse, dont la diffusion est par nature publique, produit un préjudice particulier au plagié mais que ce dernier est dans une position d’autant plus inconfortable que s’il est lui même universitaire et décide d’une action contre le plagiaire, il « peut redouter les conséquences d’une action sur sa propre carrière professionnelle ». Il n’en reste pas moins, comme le note le rapport(page 41) que :

Il n’a été enfin jamais porté à la connaissance de la mission de cas où une université aurait engagé parallèlement aux poursuites disciplinaires des poursuites pénales. Quand une action pénale se produit, elle est exclusivement le fait des personnes plagiées, au titre de la loi sur la propriété intellectuelle.

Ces observations très pertinentes faites à propos du plagié, il est d’autant plus dommage que les inspecteurs n’en tirent aucune conclusion. Dans les 12 recommandations qui concluent le rapport, le mot « plagié » n’est jamais prononcé et aucune de ces recommandations ne concernent ni de près ni de loin la protection et la défense du plagié. Ce rapport aurait beaucoup gagné si les inspecteurs avaient élu un ou deux plagiés parmi leurs 90 interlocuteurs, particulièrement parmi les quelques courageux plagiés qui ont engagé une action judiciaire en contrefaçon contre leur plagiaire. Deux plagiés dont les plagiaires se sont épanouis à Lille 2 auraient pu compléter utilement l’information délivrée aux inspecteurs par leurs 10 interlocuteurs qui sont intervenus au nom de cette université. Nous avons pour notre part déjà écrit que, non seulement par souci de justice mais aussi par souci d’efficacité, l’attention au plagié devrait occuper une place centrale dans le dispositif d’une lutte efficiente contre le plagiat universitaire [ partie « Le souci des plagiaires et l’oubli des plagiés » de l’articleLa Commission de déontologie, la déontologie et la « discrétion professionnelle »(octobre 2010); le sujet est aussi abordé à propos d’une thèse plagiaire soutenue en novembre 2006 à Lille 2,  Université Lille 2 : une thèse-plagiat sur… le droit d’auteur(septembre 2011) ] et dans notre article « Enseignants-chercheurs, recherche et plagiat » (revue Mouvements, n° 71, automne 2012 : Qui veut la peau de la recherche ?(version en ligne à www.Cairn.info), voir note 4).

Les 10 interlocuteurs de l’université Lille 2 étaient pour la plupart directement associés aux décisions de sa commission disciplinaire, notamment Luc Dubreuil « président de la section disciplinaire depuis 7 ans » et Ahlima Fromont, « responsable de la cellule juridique et secrétaire de la section disciplinaire ». On s’étonne donc que les inspecteurs ne se soient pas mieux informés auprès d’eux sur l’attitude de l’université Lille 2 vis-à-vis des plagiés et tout particulièrement de Bénédicte B. dont le plagiaire avait soutenu une thèse rédigée sous la direction de Xavier Labbée, directeur de l’Institut de droit et d’éthique de Lille 2 (cf Trop d’éthique tue l’éthique  (1) : l’Université Lille 2 et une thèse TGV, jamais écrite, mal lue). Cette affaire est d’ailleurs incidemment évoquée dans ce rapport mais sans qu’il soit précisé que l’arrêt de la Cour de cassation évoqué par les inspecteurs concerne directement Lille 2. Même dans le cadre d’une réflexion sur le plagiat limitée à celui des étudiants – il s’agissait dans le cas traité par la Cour de cassation d’une thèse plagiaire, donc d’un cas qui intéressait les rapporteurs –, l’analyse minutieuse de cette affaire aurait été très utile. Elle illustre comment le plagiat des étudiants peut engager la responsabilité des enseignants-chercheurs et jusqu’où des enseignants-chercheurs peuvent parfois aller pour tenter d’échapper à tout prix à leurs responsabilités (Trop d’éthique tue l’éthique [2] : blanchiment de plagiat et de plagiaire à l’ombre de l’université Paris 8).

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II 1 Université Lille 2 : tolérance zéro ou cynisme 100% ?

Dans ce rapport de l’IGEANR, l’université Lille 2 et Sciences-Po sont les établissements le plus souvent cités à leur avantage. Page 22 notamment, l’université Lille 2 nous est présentée  comme faisant partie des « exceptions » qui, vis-à-vis du plagiat « affichent une politique de ‘tolérance zéro’ (saisine systématique de la section disciplinaire). » Page 40, les inspecteurs font à nouveau valoir que Lille 2 se distingue par une politique particulièrement répressive du plagiat.

Page 47 cependant, dans un chapitre où ils soulignent que « le plagiat (…) porte préjudice intellectuellement, moralement, voire financièrement, non seulement à la personne plagiée, mais aussi aux établissements dont relèvent plagiaire et plagié », les inspecteurs évoquent, sans pour autant citer le nom de Lille 2, la décision de la Cour de cassation du 15 juin 2010 en faveur de Bénédicte B. (la victime plagiée) dans une affaire où l’université lilloise porte une terrible responsabilité. Tout nous laisse penser que c’est à cette même affaire que se réfèrent les inspecteurs (page 23, bas de page). Après avoir mis en avant la déclaration de la présidente de l’université de Caen selon laquelle la transmission des cas de fraudes et plagiats à l’instance disciplinaire ne souffre aucune exception, les inspecteurs poursuivent :

À Lille 2, la politique est identique, affichée et respectée, même si les débats ont permis de mettre en évidence dans le passé un cas où la présidence n’avait pas jugé bon de transmettre, estimant le dossier inconsistant. [souligné par nous].

Dans cette affaire de Lille 2 à laquelle nous pensons que les rapporteurs font référence, au contraire de ce que leurs interlocuteurs auraient tenté de faire croire aux inspecteurs, il n’est pas sérieux de soutenir que « la présidence n’avait pas jugé bon de transmettre, estimant le dossier inconsistant ». Ce serait accuser implicitement la présidence de Lille 2 de l’époque d’une totale incompétence tant les preuves des plagiats présentées par la victime plagiée étaient « consistantes ». En vérité, la validation d’une telle thèse plagiaire aux plagiats si consistants soutenue dans des conditions si contestables (la thèse avait été soutenue moins de six mois après l’inscription du doctorant) mettait gravement en cause la responsabilité du directeur de la thèse plagiaire qui était aussi le directeur de l’Institut du droit et de l’éthique de Lille 2. L’ouverture d’une instruction par la section disciplinaire aurait mis la carrière du directeur de la thèse plagiaire en péril. On est d’autant plus étonné que dans ce rapport les inspecteurs laissent sans réagir leurs interlocuteurs de Lille 2 arguer de cette « inconsistance » du dossier que l’arrêt de la Cour de cassation qu’ils évoquent dans ce même rapport de l’IGEANR rappelait avec beaucoup de précision à quel point ces plagiats étaient consistants :

en l’espèce en recopiant et en diffusant sciemment, sans l’autorisation de son auteur [1], dans sa thèse de santé publique, 87 pages écrites par Bénédicte Z… et, dans sa thèse de droit [celle soutenue à Lille 2 et évoquée par les interlocuteurs des inspecteurs], 148 pages, schémas et bibliographies rédigées par Bénédicte Z…, ainsi qu’environ 34 pages du diplôme d’études approfondies de celle-ci

Des articles ont déjà été écrits sur cette affaire et les inspecteurs ont eu ces textes à leur disposition avant la rencontre avec leurs interlocuteurs de Lille 2. Le rapport cite à plusieurs occasions la presse, dont Le Monde. Il est donc probable que les inspecteurs ont aussi lu cette interview (double page « Contre-enquête » du Monde du 11/11/2010 :Pourquoi le plagiat gangrène-t-il l’université ?) où la victime du plagiaire de Lille 2, Bénédicte B., précisait dans une interview titrée Le long parcours d’une plagiée pour faire reconnaître le « pillage » de sa thèse : « J’ai subi différentes pressions pour m’inciter à renoncer » (il s’agissait de la faire renoncer à porter plainte au pénal après que la direction de Lille 2 se soit refusée à engager une procédure disciplinaire à l’encontre du plagiaire et à annuler son diplôme, et par là même la thèse plagiaire). Ajoutons qu’une fois la plainte déposée au pénal, la juge d’instruction a fait injonction à la doyenne de la Faculté de droit de Lille 2, Françoise Dekeuwer-Défossez, de faire procéder à une expertise. L’expert nommé par Lille 2, le professeur Jacques Hardy, conclura très rapidement, tant les plagiats étaient consistants : « au total Edmond LE B. a très largement pillé la thèse de Bénédicte B. » (cf. Arrêt de la cour d’appel du 30 avril 2009) .

La journaliste Louise Fessard, de Mediapart, a aussi apporté de nouveaux éclairages sur cette affaire de Lille 2 et les appuis dont a bénéficié l’auteur de la thèse plagiaire, notamment de la part de professeurs de l’université Paris 8, dans un article intituléQuand des universitaires protègent un plagiaire (11 octobre 2011) de même que l’ont fait les articles mis en ligne sur ce blog Archéologie du copier-coller :  Lille 2 & Angers, le dossier : Cour de cassation, terminus et aussi Trop d’éthique tue l’éthique (1 & 2). Les inspecteurs soulignent avoir pris connaissance de la littérature sur le plagiat universitaire mise en ligne sur Internet « avec la distance de rigueur », peut-être que les affirmations de leurs interlocuteurs de Lille 2 auraient-elles aussi mérité d’être écoutées avec la même distance de rigueur. On pourra aussi écouter sur France Culture la présentation de cette affaire par Maître Sylvain Coat-Rolland, avocat de Bénédicte B.,  au cours de l’émission Rue des écoles du 16 mai 2012 titrée L’université face aux plagiats (à 17″ 45′ du début de l’émission). Maître Coat-Rolland n’hésite pas à parler de « collusion frauduleuse ».

 

Ce n’est qu’en mai 2011, près de 9 ans après que la direction de Lille 2 a été informée de manière précise et circonstanciée sur cette thèse plagiaire par la victime plagiée, que la commission disciplinaire de Lille 2 (dans sa formation destinée aux usagers, c’est-à-dire aux étudiants) s’est enfin décidée à exclure le plagiaire de l’université Lille 2 et à annuler la thèse (contrairement au pénal et au civil, il n’existe pas de prescription en matière disciplinaire). Dans cette affaire de Lille 2, des documents imprimés et des courriers manuscrits à en-tête d’une université, dont l’existence a déjà été évoquée dans nos articles du blog Archéologie du copier-coller et dont nous avons fait état dans un courrier recommandé AR adressé en avril 2011 à Valérie Pécresse, constituent des preuves accablantes de la collusion d’universitaires influents pour faire pression sur la victime du plagiat. Ceci, dans le but exprimé sans la moindre ambiguïté de protéger le directeur de la thèse plagiaire et le plagiaire lui-même. On conviendra que se vanter d’une tolérance zéro vis-à-vis du plagiat des étudiants alors qu’on a toléré et continue toujours de tolérer de si graves écarts déontologiques et éthiques d’enseignants-chercheurs dans des affaires de plagiat serait faire preuve d’un cynisme à 100%.

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III – ACTION PUBLIQUE ET ACTION DISCIPLINAIRE

Page 20 de ce rapport, les inspecteurs rappellent les dispositions de la loi du 23 décembre 1901, toujours en vigueur, qui traite des « fraudes commises dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l’entrée dans une administration publique ou l’acquisition d’un diplôme délivré par l’État ». Ils citent son article 5 qui vaut toujours : « L’action publique ne fait pas obstacle à l’action disciplinaire dans tous les cas où la loi a prévu cette dernière » (L’action publique, c’est-à-dire, l’action en justice exercée contre l’auteur d’une infraction visant à le traduire devant un tribunal).

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III 1 Plagiat et contrefaçon

Dans les cas de plagiat universitaire, l’autonomie de l’action disciplinaire avec celle de l’action publique (action judiciaire au pénal ou au civil) s’impose d’autant plus que chacune traite d’un sujet différent. L’action disciplinaire sanctionne le plagiat qui esttoujours susceptible d’être sanctionné par la section disciplinaire de l’université. L’action judiciaire, si elle est déclenchée par le plagié, que ce soit au pénal ou au civil, ne sanctionne pas le plagiat en tant que tel mais la seule contrefaçon (déclenchée par l’université, l’action publique pourrait faire condamner le plagiaire pour fraude, mais le rapport regrette précisément que cette voie n’est jamais choisie dans l’enseignement supérieur). Pour qu’il y ait contrefaçon par plagiat, faut-il encore qu’il soit prouvé que le plagiat porte atteinte aux droits d’un plagié ou de ses ayant droits. On aura remarqué que l’arrêt de la Cour de cassation cité précédemment précise : « en recopiant et en diffusant sciemment, sans l’autorisation de son auteur… (souligné par nous) ». On a là une parfaite illustration d’un des principaux critères qui distinguent le plagiat de la contrefaçon : rédiger une thèse en recopiant un texte avec l’autorisation de son auteur (que ce véritable auteur autorise cet emprunt par amitié ou en se faisant rétribuer) reste susceptible d’une sanction disciplinaire pour plagiat suivie de l’annulation du diplôme et de la thèse – le doctorant prétend devant le jury de soutenance être l’auteur d’un texte qu’il n’a fait que recopier – mais pas d’une condamnation pour contrefaçon(note 5).

Nous citerons à nouveau Lille 2, mais aussi d’autres exemples, celui de la ministre Valérie Pécresse et celui du bureau de la 71e section du CNU pour illustrer ce classique du refus d’agir contre les plagiaires au niveau disciplinaire : soit prétexter que l’affaire doit être réglée entre le plagié et le plagiaire devant un tribunal ce qui exclurait l’intervention d’une section disciplinaire – en réalité on escompte que le plagié ne sera jamais informé de son infortune et que s’il l’est, il hésitera à se lancer dans un procès toujours coûteux –, soit prétexter que l’affaire étant déjà devant un tribunal, cela interdirait à une instance disciplinaire de l’université de la traiter afin de ne pas interférer dans une affaire en cours.

Dans les trois autres cas évoqués, celui de Paris 8, sous la présidence de Pascal Binczak, celui d’Amiens et celui de Lyon 3, on voit l’action disciplinaire refusée ou détournée. Dans le cas de Paris 8, c’est le parti du plagiat, activement soutenu par la présidence, qui prend l’initiative de l’action judiciaire (plainte en diffamation) contre le lanceur d’alerte au plagiat.

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III 2 Université Lille 2 : refus de l’action disciplinaire contre le plagiaire et son directeur de thèse, pressions pour empêcher la victime plagiée d’engager une action judiciaire

Le refus de l’université Lille 2 – Françoise Dekeuwer-Defossez était alors doyenne de la faculté de droit et Xavier Vandendriessch  vice-président de Lille 2  (il est depuis avril 2012 son président) – de réunir la section disciplinaire à la suite de l’information de Bénédicte B. sur les plagiats dont elle avait été victime n’a pas laissé d’autre issue à cette dernière que déclencher une action publique et déposer plainte au pénal en contrefaçon. Bénédicte B. n’aurait probablement pas déposé plainte contre son plagiaire si la direction de Lille 2 avait procédé à l’annulation de la thèse plagiaire. Mais, deuxième temps de la valse, c’est l’instruction en cours (sur injonction, Françoise Dekeuwer-Defossez devra commander une expertise qui conclura au pillage de la thèse de Bénédicte B.), l’appel du jugement de première instance par le plagiaire condamné, puis son pourvoi en cassation qui deviendront autant de prétextes pour Lille 2 (présidé par Christian Sergheraert de 2004 à 2012) pour rester passif pendant 7 ans et n’engager aucune action disciplinaire. Ce n’est qu’en mai 2011 – l’arrêt de la Cour de Cassation avait été rendu en juin 2010 et l’affaire avait déjà fait l’objet de plusieurs alertes et articles (DallozLe MondeMediapart, ce blog…) – que la section disciplinaire enfin convoquée annulera la thèse plagiaire. Aujourd’hui encore, Xavier Vandendriessch, nouveau président élu en avril 2012 (note 6) semble soutenir que la section disciplinaire de Lille 2 ne pouvait procéder à l’annulation de la thèse qu’à la suite de la condamnation définitive du plagiaire pour contrefaçon. Cette position est d’autant plus fallacieuse que le pourvoi en cassation du plagiaire n’était pas fondé sur la contestation de la contrefaçon, délit constaté en première instance comme en appel, mais sur des arguments qui concernaient la seule prescription du délit. On aurait donc pu imaginer une relaxe du délit de contrefaçon pour prescription sans pour autant que cela signifie le moindre du monde que le plagiat soit contesté par les juges. On peut facilement imaginer que le jugement pour contrefaçon aurait été cassé  sur la base de la seule prescription, cela aurait à coup sûr servi de prétexte à la présidence de Lille 2 pour ne jamais réunir la section disciplinaire et ne pas annuler la thèse…

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III 3 Valérie Pécresse, ministre : refus de l’action disciplinaire au prétexte que c’est au plagié que revient l’initiative d’une action judiciaire

Les inspecteurs qui s’appuient à plusieurs reprises dans ce rapport sur des informations délivrées par la presse, dont celles du journal Le Monde, ont certainement lu l’article du 25 janvier 2011 signé par Philippe Jacqué et intitulé « La présidente de l’université de Polynésie accusée de plagiat – Selon un collectif de chercheurs, Louise Peltzer a recopié un ouvrage d’Umberto Eco ». Le journaliste précisait dans son article : « Malgré une large médiatisation en Polynésie, le ministère de l’enseignement supérieur n’a toujours pas réagi. Il explique suivre l’affaire, jugeant que le plagiat d’un livre doit être jugé par la justice civile et non par une commission de discipline (souligné par nous) » .

C’est donc sous l’autorité directe de Valérie Pécresse que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a, pour justifier sa passivité, inventé ce prétexte d’une prétendue exclusivité des actions publique et disciplinaire l’une par rapport à l’autre. En l’espèce, l’argument avancé selon lequel il s’agit d’un livre est surtout l’illustration d’une mauvaise foi absolue puisqu’il s’agissait de la publication, en effet sous la forme d’un livre, de la leçon inaugurale donnée par Louise Peltzer, en tant que professeur de cette université, pour une rentrée solennelle de l’université de Polynésie française. Il s’agissait donc bien incontestablement de plagiats perpétrés dans l’exercice de ses fonctions universitaires. Enfin, ce renvoi à l’action judiciaire était d’autant plus de mauvaise foi, qu’on ne pouvait ignorer au ministère que le délai de prescription pour l’action judiciaire en contrefaçon (au pénal comme au civil) était déjà largement dépassé et que seule la voie disciplinaire, qui ne connaît pas la prescription, restait encore ouverte.

Notons que la passivité de Valérie Pécresse face aux plagiats d’une présidente d’université – Louise Peltzer est aussi aujourd’hui député suppléante de l’opposition – a permis à cette dernière de persister à qualifier ses plagiats grossiers de « soi-disant similitudes » (cf. L’écho d’Eco, et l’article de Philippe Jacqué , journaliste au Monde). Comment peut-on envisager de faire comparaître des étudiants plagiaires devant une section disciplinaire si aucune autorité universitaire n’est en mesure de qualifier les plagiats serviles d’une présidente d’université  ?

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III 4 Le bureau de la 71e section du CNU : l’action judiciaire en cours, prétexte au refus de prise en compte des implications de membres du CNU dans des affaires de plagiat

Poursuivi en diffamation par Khaldoun Zreik – un collègue enseignant-chercheur de l’université Paris 8 impliqué dans la délivrance de thèses plagiaires et à ses heures lui-même plagiaire (cf. Paris 8, procès et plagiats) –, nous avions alerté le bureau de la 71e section du CNU par courrier recommandé AR et demandé d’être entendu à propos de ces affaires de plagiat. Elles concernaient très directement des membres du CNU de la 71e section et des enseignants-chercheurs plagiaires indiscutablement protégés par des membres de la 71e section du CNU. Yves Jeanneret, président de la 71e section, nous a communiqué cette réponse (ici en fichier numérique) au nom du bureau du CNU :

Les membres du bureau de la 71e section du CNU
Yves Jeanneret, Président
Françoise Bernard, Vice-Présidente rang A
Françoise Albertini, Vice-Présidente rang B
Gabriel Gallezot, Assesseur
72-76 rue Regnault
75243 Paris Cedex 13
Paris le 14 février 2012
à Monsieur Jean-Noël Darde
8, rue C…
75004 Paris
Cher collègue,
Nous avons bien reçu votre courrier du 1er février dernier.
En réponse, nous vous rappelons que le CNU de la 71e section considère le plagiat comme une grave faute scientifique et qu’il a coutume de la sanctionner lorsqu’il lui arrive de le constater, dans le cadre de ses missions et prérogatives, qui consistent à se prononcer sur les dossiers individuels qui lui sont soumis lors de chacune des sessions.
Ce principe a d’ailleurs été réaffirmé solennellement en ouverture de la session plenière de qualification 2012. Il s’inscrit dans le cadre d’un ensemble de règles déontologiques et de modalités de discussion et de décision collégiale plus larges. Ces règles et principes concernent toutefois exclusivement les dossiers qui  sont soumis à l’examen de la section dans le cadre de ses différentes sessions.
Il nous semble que votre courrier concerne des questions qui relèvent d’autres instances et sur lesquels le CNU n’a pas compétence ni vocation à se prononcer. En particulier, le CNU n’a pas autorité à intervenir sur des conflits en cours d’arbitrage en justice (souligné par nous).
Vous ne manquerez pas de trouver des interlocuteurs plus adaptés pour soulever de telles questions.
Très cordialement,
Pour le bureau de la 71em section du CNU
Le président
 
Copie : Madame Dominique Faudot, présidente de la CP-CNU

Nous ne doutions pas que  les membres du bureau de la 71e section du CNU considèrent le plagiat comme une grave faute scientifique, mais sommes quand même surpris d’apprendre que leur souci du plagiat s’arrête aux seuls dossiers des enseignants-chercheurs qu’ils ont mission d’évaluer et exclut le plagiat, la complicité au plagiat ou la tolérance au plagiat des propres membres de leur section du CNU.

Le Président de la 71e section du CNU nous renvoie à « d’autres interlocuteurs plus adaptés pour soulever de telles questions » mais a la prudence d’en nommer aucun – une défausse plutôt qu’un conseil confraternel. Fonctionnaire discipliné, nous avons pourtant épuisé la liste de nos interlocuteurs naturels dans le respect des rapports hiérarchiques qui ordonnent la communauté universitaire. Ceci sans le moindre résultat, si ce n’est celui de nous mettre à dos la majorité d’entre eux, d’autant plus que certains de nos interlocuteurs étaient à un titre ou à un autre impliqués dans les plagiats qui étaient l’objet de nos alertes : à Paris 8, le directeur du laboratoire Paragraphe (Imad Saleh), les directeurs du département Hypermedia (Claude Baltz, puis Imad Saleh), les directeur et membres du conseil de l’École doctorale CLI (Mario Barra-Jower, Imad Saleh, Sophie Wauquier, Khaldoun Zreik), le directeur de l’UFR MITSIC (Ali Cherif), les vice-présidents du conseil scientifique (Anne-Marie Helvetius, puis Élisabeth Bautier) et du conseil d’administration (Christine Bouissou), le président d’université (Pascal Binczak puis Danielle Tartakowsky), et, hors de Paris 8, le président de la 71e section du CNU (Yves Jeanneret, courrier avec copie à Dominique Faudot, présidente de la CP-CNU), le président de l’AERES (Didier Houssin) et jusqu’aux ministres (courrier à Madame Valérie Pécresse en avril 2011 et à Madame Geneviève Fiorasso en septembre 2012…). Nous avons donc déjà épuisé la liste des « interlocuteurs adaptés » qui s’imposaient dans le cadre hiérarchique. Nous préparons d’ailleurs l’édition et la mise en ligne sur ce blog du corpus complet de ces échanges de courriers et mails avec notre hiérarchie universitaire naturelle. Ces archives mises à la disposition de la communauté universitaire seront utiles à ceux qui font des recherches sur le fonctionnement de notre institution. Ce seront quelques éléments susceptibles de contribuer à la réflexion dans le cadre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche en cours.

Revenons au mauvais argument d’Yves Jeanneret selon lequel « le CNU n’a pas autorité à intervenir sur des conflits en cours d’arbitrage en justice ». Le « conflit en cours« , comme le désigne Yves Jeanneret, s’il concerne un enseignant-chercheur plagiaire avec qui des membres de la 71e section du CNU se sont solidarisés, ne concerne qu’indirectement le plagiat. L’action judiciaire engagée par Khaldoun Zreik à notre encontre était une plainte en diffamation et, nous en sommes d’accord, seul le tribunal est en mesure d’en juger (le juge des référés a rejeté l’assignation de K. Zreik et ce dernier semble ne pas avoir voulu que l’affaire se poursuive au fond).  Mais les problèmes que nous avions soulevés devant les membres du bureau de la 71e section CNU étaient d’une autre nature, ceux de plagiats documentés qui impliquaient des membres du CNU. Le refus de traiter du problème du plagiat chez ses propres membres« mine la crédibilité », pour reprendre une expression des inspecteurs de l’IGEANR de tous les membres de la 71e section du CNU.

Si l’on suit l’argument d’Yves Jeanneret (liste SGEN-CFDT), l’action judiciaire que les universités se refusent à déclencher pour fraude contre les plagiaires serait donc, lancée abusivement par les plagiaires eux-mêmes sous forme de plainte en diffamation, leur meilleure protection pour échapper à toute prise en compte de leurs plagiats par leurs pairs et à toute action disciplinaire à leur encontre. On attendait mieux du président d’une section du Conseil national des universités et on s’étonne de l’absence de réaction de Dominique Faudot (liste SNESUP-FSU), Présidente de la Conférence des présidents du Conseil national des universités (CP-CNU) à qui Yves Jeanneret a fait suivre une copie du courrier qu’il nous a adressé.

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III 5 Le ni-ni de Pascal Binczak, président de Paris 8

Président de Paris 8 d’octobre 2006 à juin 2012, Pascal Binczak a fait de notre université un centre expérimental de la tolérance au plagiat et aux plagiaires. Quiconque prétend s’intéresser avec sérieux au plagiat universitaire ne peut faire l’économie d’une analyse approfondie des situations qu’ont connues Lille 2 et Paris 8 à cet égard.

Alertés depuis 2010 par courriers recommandés de plusieurs cas de thèses plagiaires, Pascal Binczak ne les a jamais confiés à la section disciplinaire, l’instance désignée pour instruire ces dossiers. Pascal Binczak a préféré susciter la création d’une « Commission déontologie », présidée par Élisabeth Bautier vice-présidente du Conseil scientifique, dont la composition elle-même – les 4 directeurs d’écoles doctorales et les 3 vice-présidents de conseils centraux – posait dès le départ un problème déontologique lié à des conflits d’intérêts.

* La première thèse plagiaire qui a été soumise à cette Commission déontologie, thèse rédigée sous la direction de Khaldoun Zreik, n’a donc pas été annulée par cette commission qui n’en n’avait pas le pouvoir. Le Conseil scientifique, sur la base des travaux et décisions de la Commission déontologie, s’est limité à transmettre au président Binczak le résultat d’un vote unanime en faveur de l’annulation de cette thèse. Un souhait que Pascal Binczak n’a réalisé que dix-huit mois plus tard dans une certaine précipitation, à la suite des échos que cette affaire avait suscités dans la presse, suite à la plainte de Khaldoun Zreik à mon encontre.

* La Commission déontologie s’est prononcée pour confirmer la décision du jury de soutenance de valider une deuxième thèse plagiaire, cette fois-ci dirigée par Patrick Curran. Ceci, bien que plusieurs alertes circonstanciées avaient été lancées auprès d’Élisabeth Bautier, présidente de cette Commission déontologie. Une décision surprenante puisque nous soutenons qu’il s’agit d’une thèse plagiaire à près de 100% (lire L’université Paris 8, sa direction, sa Commission déontologie et sa thèse-pur-plagiat écrite « sous le signe de l’excellence »)En validant cette thèse plagiaire, Pascal Binczak, les vice-présidents et les quatre directeurs d’écoles doctorale de Paris 8 ont ainsi, sans que les précédents conseils scientifique et d’administration ne réagissent, délibérément dressé à Paris 8 un monument au plagiat, une sorte de thèse-plagiat-étalon (note 7).

* Le pli de la tolérance aux thèses plagiaires étant pris, Pascal Binczak fera encore mieux – ou plutôt ne fera rien – à propos d’une troisième thèse plagiaire soutenue au sein du Laboratoire Paragraphe (thèse dirigée à nouveau par Patrick Curran et dont le président de jury de soutenance n’était autre que Khaldoun Zreik) qui a fait l’objet d’alertes de notre part et surtout d’un courrier recommandé AR de Jacques Bolo, un des plagiés, adressé en février 2011 au président de Paris 8. Cette fois-ci, ni action disciplinaire, ni action judiciare et pas même la communication du dossier à l’aveugle et fameuse Commission déontologie.

À vrai dire, il y a bien eu à Paris 8 une action judiciaire engagée mais pas une action visant les plagiaires et le parti du plagiat, tout le contraire. En juin 2010, Khaldoun Zreik, Patrick Curran et Gilles Bernard (cet ancien vice-président de Paris 8 était président du jury de soutenance de la thèse plagiaire à près de 100%) ont annoncé leur intention de porter plainte pour diffamation à notre encontre et ont rapidement obtenu la protection fonctionnelle (prise en charge des frais d’avocat par l’université) accordée par le Conseil d’administration. Dans un second temps, on verra Imad Saleh, membre du jury de la première thèse plagiaire et qui, comme directeur du laboratoire Paragraphe, porte une responsabilité écrasante dans la validation de la deuxième thèse, faire part de la même intention de déposer plainte à notre encontre. Finalement, seul Khaldoun Zreik se décidera à déposer plainte pour diffamation avec assignation en référé et aura à affronter le ridicule de la déroute (lire l’article de Lucie Delaporte (Mediapart du 29.11.2011) et Paris 8, procès et plagiats). L’important est surtout qu’à cette occasion le président de Paris 8 a affiché sans la moindre pudeur son soutien à Khaldoun Zreik, aveugle aux thèses plagiaires et lui-même plagiaire. À l’occasion d’une interview à Anne Mascret de l’Agence AEF qui sera publiée le matin même de l’audience en référé, Pascal Binczak renouvelait l’expression de son « entière confiance » à Khaldoun Zreik.

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III 6 Université Picardie Jules-Verne (Amiens) : action disciplinaire à géométrie variable

Le cas d’Amiens a déjà été longuement présenté sur ce blog dans deux articles mis en ligne en 2010, Traitements des thèses-plagiats et faux-semblants [1] : le cas d’Amiensrédigé par Marie-Domitille Porcheron et Boris Eizykman, maîtres de conférences à l’UPJV, et notre article Plagiats : bibliographie-alibi ou la stratégie de la lettre volée.

À une situation originale de thèse plagiaire, la direction de l’université d’Amiens a trouvé une solution originale en terme d’action disciplinaire. Le plagiaire, un enseignant de statut PRAG (professeur agrégé détaché dans l’enseignement supérieur) avait rédigé une thèse qui empruntait sans la moindre prudence à des communications et articles d’un de ses étudiants, lui-même doctorant en cours de rédaction de sa thèse, à plusieurs de ses collègues et à un nombre important d’autres ouvrages. Le doctorant plagié qui avait assisté à la soutenance du plagiaire avait commencé par se taire, inquiet des conséquences que pourrait lui valoir cette découverte. Finalement, l’affaire avait fini par s’ébruiter et la victime avait été encouragée par une poignée d’enseignants de l’UPJV à faire connaître son infortune. Bien que le plagiaire ait reçu un grand nombre de marques sincères de solidarité de la majorité des enseignants-chercheurs du département d’arts plastiques d’Amiens – le rôle du pestiféré était dévolu au plagié –, il était devenu impossible à la direction de l’UPJV de ne rien faire. En terme d’action disciplinaire, la solution consistera à ne convoquer que la section disciplinaire en formation « usagers » destinée aux étudiants, en l’espèce à l’enseignant-PRAG considéré uniquement comme doctorant. Sa thèse annulée et exclu de l’université  pour deux ans comme étudiant (une sanction très en dessous de la norme pour une thèse plagiaire), l’enseignant plagiaire a pu continuer ses activités d’enseignement à l’université d’Amiens sans que cela choque grand monde. On peut souhaiter que le nouveau président de l’UPJV élu en 2012 rouvre ce dossier.

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III 7 Section disciplinaire de l’université d’Angers : comment se moquer de l’action publique et des décisions judiciaires

L’affaire de Lille 2 est associée à une affaire similaire à l’université d’Angers qui concerne le même plagiaire qui a plagié la même victime, Bénédicte B., Le plagiaire multi-cartes avait produit plusieurs thèses plagiaires, une de santé publique à Angers, une de droit à Lille 2.

La section disciplinaire d’Angers, bien qu’elle ait été réunie sur ce dossier, n’a pas encore annulé la thèse de santé publique soutenue par le plagiaire. Cette thèse s’affiche donc toujours (en septembre 2012) sur la base du SUDOC (Identifiant pérenne de la notice : http://www.sudoc.fr/053700163). Notons que le jury qui avait validé cette thèse plagiaire comprenait le président du Comité d’éthique de la recherche de l’université Paris XII. Une fois les plagiats découverts, connus et reconnus par les plus hautes instances judiciaires, on peut regretter que les membres du jury, dont des spécialistes de l’éthique, ne soient pas intervenus pour faire rapidement annuler cette thèse.

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III 8 Section disciplinaire de Lyon 3 : comment se moquer d’une décision du Conseil d’état

Les inspecteurs ont raison de souligner dans leur rapport que concernant le plagiat « la documentation officielle est quasiment inexistante ». Ce sont en effet ici encore la presse et les blogs qui ont apporté un éclairage sur cette affaire. L’auteure de cette thèse plagiaire soutenue à Lyon 3, une fois qualifiée par le CNU de droit public, avait eu l’imprudence de présenter sa candidature à un poste de maître de conférences à l’université de Nantes où enseignaient son mari… mais aussi sa plagiée. Cette dernière, membre de la commission des spécialistes chargée du rapport sur cette candidature, n’avait pas eu de mal à reconnaître des emprunts très consistants à la thèse qu’elle avait écrite sous la direction… du mari de la plagiaire. Informé, le CNU de droit public présidé par Frédéric Sudre, décide la déqualification de la plagiaire. Contestée par la plagiaire, cette déqualification est confirmée par le Conseil d’État (décision 310277 du 23 février) et le dossier  renvoyé à l’université Lyon 3, seule en mesure d’annuler la thèse. Dans un article du Monde daté du 3 mai 2012, Isabelle Rey-Lefebvre cite la conclusion de la section disciplinaire de l’université Lyon 3–Jean Moulin. Malgré les considérants de la décision du Conseil d’État qui lui avait été transmises, elle avait décidé de ne pas sanctionner la plagiaire au motif que « la volonté intentionnelle de la fraude ou de plagiat ou de contrefaçon n’a pas été démontrée et le bénéfice du doute doit être appliqué ». Une décision surprenante comme nous le notions dans un article précédent :

On comprend que la plagiaire, épouse d’un professeur de droit influent, méritait une grande mansuétude de la part des collègues de son mari. Il n’en reste pas moins que les « emprunts nombreux et manifestes » relevés par le CNU et confirmés par le Conseil d’État existaient indépendamment du fait que le plagiat ait été intentionnel ou réalisé à l’insu de son plein gré.

 

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III 9  Plagiaires, universités, bibliothèques universitaires, l’ANRT (éditeur et diffuseur) : à qui la responsabilité de la contrefaçon ?

L’absurdité des situations liées à certaines des thèses plagiaires évoquées ci-dessus est patente : quatre des thèses plagiaires citées, deux soutenues à Paris 8, et celles de Lyon 3 et Angers, s’affichent toujours sur la base de données du SUDOC (cfhttp://www.sudoc.fr/080230709,  http://www.sudoc.fr/080734960,http://www.sudoc.fr/053700163 et http://www.sudoc.fr/053700163)  alors que, pour faire cesser la contrefaçon, trois de ces thèses ont été retirées en juin 2012 du catalogue de l’Atelier national de reproduction des thèses (ANRT) aussitôt après que Joachim Schöpfel, le directeur de l’ANRT, a pris connaissance de notre article « 400 pages de plagiats :  20,33 euros ! Quand l’Université édite et diffuse des thèses plagiaires ». La direction de l’ANRT avait conscience que la poursuite de l’édition et la diffusion de ces thèses contrefactrices étaient susceptibles de leur valoir des poursuites en contrefaçon engagées par les plagiés (la quatrième thèse, celle soutenue à l’université d’Angers, n’était pas diffusée par l’ANRT). Dans un commentaire à l’article20, 33 euros !…  le directeur de l’ANRT soulignait :

« Le plagiat est un fléau, et vous avez raison de pointer du doigt pas seulement l’auteur du plagiat mais aussi toute la chaîne de valeur qui s’en suit, y compris la diffusion. Comme on dit en droit, la fraude corrompt tout ».

L’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) qui gère le SUDOC se limite à publier les notices d’identification de ces thèses. Même informée et convaincue de la nature plagiaire de ces thèses, l’ABES ne peut selon son directeur Raymond Bérard prendre l’initiative de retirer ces notices du SUDOC. Dans une réponse à un courrier que nous lui avions adressé en juillet 2012 (note-8), Raymond Bérard précisait :

Vous me demandez quel type de requête peuvent engager les plagiés, victimes de plagiat par des auteurs de thèses présentées dans le catalogue Sudoc.

L’ABES est tenue d’accepter dans le Sudoc toutes les thèses soutenues et ayant donné lieu à la délivrance du diplôme conformément aux dispositions de l’arrêté du 7 août 2006 qui stipule que « le service chargé du doctorat assure la transmission des deux exemplaires [de la thèse] et du bordereau au service commun de la documentation ou au service interétablissements de coopération documentaire ou à la bibliothèque, qui signale la thèse dans le catalogue collectif de l’enseignement supérieur (Système universitaire de documentation ou Sudoc) et dans le catalogue de l’établissement » .

L’ABES ne peut procéder au retrait du référencement d’une thèse dans le Sudoc qu’après une décision de l’université de délivrance de retrait du diplôme au docteur, qu’elle qu’en soit la raison.

 

 

Les universités assument donc la responsabilité principale dans l’affichage des thèses plagiaires par le SUDOC, sans que ces simples notices puissent faire l’objet d’une action judiciaire en contrefaçon. Mais dans le cas de l’édition et de la diffusion d’une thèse plagiaire par l’Atelier national de reproduction des thèses, la contrefaçon paraît établie indépendamment du fait que l’ANRT agisse sur directive de l’université de soutenance. Le jour où un plagié se décidera à déclencher une action judiciaire en contrefaçon pour l’édition et la diffusion d’une thèse plagiaire par l’ANRT (note 9), il sera intéressant de voir comment le tribunal partagera les responsabilités entre l’ANRT qui édite et diffuse le texte contrefacteur et l’université d’origine de la thèse plagiaire, le donneur d’ordre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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IV – LES DOUZE RECOMMANDATIONS DE L’INSPECTION GÉNÉRALE

IV 1 Un retard sur l’Europe

Recommandation 1 : il paraît prématuré et même présomptueux d’avancer que « la France pourrait prendre l’initiative d’une réflexion européenne » (page 49 du rapport, paragraphe 4.2.1.) afin, comme l’avance la première recommandation, d’ « intégrer la question du plagiat dans le travail mené par le Groupe de Bologne sur l’assurance qualité des formations et des diplômes ». En effet, si on ne peut qu’être favorable à une concertation européenne – Gilles Guglielmi, co-organisateur avec Geneviève Koubi du colloque Le plagiat de la recherche, l’avait proposée dans sa communication  –,  la France a pris beaucoup de retard sur d’autres pays d’Europe concernant le traitement du plagiat universitaire, ce que semble d’ailleurs reconnaître les inspecteurs. Une réflexion sérieuse des instances supérieures de l’Université française paraît un préalable à une « réflexion européenne » dont la France prendrait l’initiative.

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IV 2 – Université cherche déontologues de « haut niveau » désespérément

Recommandation 2 : pour pouvoir  « favoriser au niveau communautaire la création d’un groupe de haut niveau consacré à la déontologie des évaluations universitaires« , l’université française doit d’abord opérer un tri parmi ses propres déontologues. L’ « assurance qualité » (sic) – un leitmotiv de ce rapport – devrait d’abord les concerner. On pourrait alors confier à des déontologues certifiés « de haut niveau » le règlement de quelques problèmes en suspens dans lesquels se sont embourbés des déontologues de bas niveau. Ces cas qui ne sont toujours pas résolus malgré de multiples alertes – à croire que l’on craint trop d’avoir à admettre des faits particulièrement graves et les compromissions d’universitaires influents – vont finir par ridiculiser l’université française aux yeux de nos partenaires communautaires s’ils ne trouvaient pas de solutions rapides dans le respect d’une déontologie de « haut niveau ». Parmi de nombreux cas que nous sommes à même d’exposer dans le détail et dont certains sont évoqués dans cet article, citons les trois les plus emblématiques :

– celui de spécialistes certifiés de la déontologie et de l’éthique qui pour servir leurs intérêts propres ont piétiné déontologie, éthique en prenant parti pour le plagiaire et en faisant pression sur la victime plagiée (cas évoqué dans cet article et déjà largement exposé sur ce blog dans ces trois articles : Lille 2 & Angers, le dossier : Cour de cassation, terminus et aussi Trop d’éthique tue l’éthique (1 & 2).

– celui de la « commission déontologie » de Paris 8 dont les membres – vice-présidents des conseils centraux et directeurs d’écoles doctorales – se sont entêtés à valider une thèse plagiaire à près de 100%.

– celui du refus de Lyon-3 d’invalider une thèse plagiaire reconnue comme telle par le CNU et un arrêt du Conseil d’État.

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IV 3 – Redonner du sens aux mots « déontologie » et « éthique »

Recommandation 3 : la même remarque faite ci-dessus vaut pour celle-ci. « Soumettre à la concertation le principe d’un comité d’éthique dans les établissements publics d’enseignement supérieur et ses modalités de fonctionnement » exige que l’on ait au préalable redonné du sens aux mots « déontologie » et « éthique ». Dans le premier des cas évoqué plus haut, rappelons que c’est la direction de « l’Institut du droit et de l’éthique » (Lille 2) qui a piétiné l’éthique et dans le second cas les membres d’ « une commission déontologie » et le président de Paris 8 qui se sont moqués de la déontologie. Que valent les mots déontologie et éthique quand aucune instance universitaire n’est en mesure, ou n’a le courage, de dire à une présidente d’université qu’elle est une plagiaire auteure de plagiats serviles (cas Peltzer). Il ne suffit pas de faire de la communication en répétant ces mots pour pouvoir prétendre agir dans le respect de la déontologie et de l’éthique.

 

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IV 4 – Le plagiat à six mots

Recommandation 4 : « demander à la CPU [Conférence des présidents des universités]de promouvoir avec le concours de l’AMUE [Agence de mutualisation des universités et établissements] des recueils des bonnes pratiques, de concevoir des formations, d’élaborer des guides », serait encore plus convaincante si la CPU avait donné l’exemple en matière de bonnes pratiques et s’était fait entendre quand certains de ses membres ont été impliqués dans des affaires de plagiat (Louise Peltzer comme plagiaire, Pascal Binczak pour sa politique face au plagiat).

Dans le corps du rapport, cette quatrième recommandation est introduite (page 53) par une demande pour « l’élaboration d’une définition commune du plagiat, peut-être avec une norme acceptée d’un nombre maximum de mots caractéristiques et signifiant ». Les inspecteurs relèvent à ce propos qu’ « il a été rapporté à la mission que les plus grandes universités américaines ont une tolérance maximum de six mots » et précisent que cette même norme serait appliquée à Sciences-Po.

Fût-elle homologuée par les plus grandes universités et Sciences-Po, cette norme de tolérance maximum de six mots ressemble fort à une mystification. La lecture des 500 pages de l’ouvrage « Du plagiat » (Folio essais 2012) d’Hélène Maurel-Indart montre que le plagiat, sa nature et ses formes, échappent à une norme aussi simpliste, cette « norme »fût-t-elle « homologuée » dans le cadre d’une « assurance qualité ».

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IV 5 – À nouveau, les logiciels antiplagiat…

Recommandation 5 : elle propose « d’engager au niveau de l’AMUE un travail sur les logiciels antiplagiat (comparaison des coûts et de l’efficacité des différents produits; acquisition de licences d’exploitation, etc) ». Dans un chapitre consacré au plagiat d’un rapport commandé par Valérie Pécresse en 2007, L’université numérique, son auteur Henri Isaac avait relayé les arguments de l’entreprise Six-degrés qui diffuse le logiciel antiplagiat Compilatio. Ceci au point que, comme nous l’avons déjà dit, la ministre n’a su que répéter « logiciel, logiciel, logiciel… » chaque fois qu’elle est intervenue par la suite sur le thème du plagiat universitaire, quitte à rester silencieuse devant les plagiats de Louise Peltzer, une présidente d’université. Plagiats de Louise Peltzer, il est vrai parfaitement indétectables à l’aide du logiciel miracle.

Dans le rapport de l’IGEANR, les inspecteurs mentionnent certes les doutes de certains de leurs interlocuteurs quant à l’efficacité de ces logiciels, mais ils semblent cependant rester très confiants, trop confiants, en leur usage. Sciences Po est notamment cité en exemple pour son utilisation systématique du logiciel antiplagiat Urkund (nous soutenons que l’utilisation a priori de ces logiciels pose un réel problème déontologique). Les inspecteurs ne font malheureusement pas mention d’une littérature critique, pourtant déjà abondante. Cette critique ne portant d’ailleurs pas tant sur ces logiciels en tant que tels — utiles si on ne leur demande pas de faire ce qu’ils ne peuvent pas faire – que sur leurs si fréquentes mauvaises et perverses utilisations. À propos de l’usage des logiciels, Michelle Bergadaa suggère que le ministère fasse développer ses propres logiciels mis à la disposition des universitaires (note 10).

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IV 6 Trois recommandations de bon sens

Recommandations 6, 8 et 12 : on ne peut qu’adhérer à la sixième recommandation, « légaliser le règlement rapide des triches occasionnelles en introduisant une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité » tout comme à la huitième et à la douzième et dernière. La huitième consiste à supprimer la sanction a perpétuité, « transformer les peines définitives en peines limitées à 20 ans » et la douzième à « rendre rapidement opérationnel le fichier des exclusions » afin que les exclusions  prononcées « de tout établissement » soient effectives.

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IV 7 Des sections disciplinaires parfois indisciplinées ou aux ordres

Recommandation 7 : les inspecteurs proposent de « réformer la composition des sections disciplinaires ». Les inspecteurs voient dans la réduction drastique du nombre des membres de la section disciplinaire en conséquence de l’application de la loi LRU une des principales raisons de leur faible productivité et ajoutent fort pertinemment (page 55) :

les membres de la commission d’instruction siègent nécessairement dans la commission de jugement. Or cette procédure n’est pas conforme aux standards de la Cour européenne des droits de l’homme, qui est attentive à ce que les instances disciplinaires respectent les règles de procédure prévues pour les tribunaux ordinaires.

Les inspecteurs mettent aussi en cause l’importance relative de la représentation étudiante qui siège dans la section disciplinaire et favoriserait un excès d’indulgence vis-à-vis des étudiants plagiaires. En outre, ils proposent que les membres soient non seulement choisis parmi les membres du Conseil d’administration, mais également dans les deux autres conseils, conseil scientifique (CS) et conseil des études et de la vie universitaire (CEVU).

Les inspecteurs de l’IGEANR ne traitant que le plagiat des étudiants, ils n’ont pris en compte que l’activité de la « section disciplinaire du conseil d’administration compétente à l’égard des usagers » et ne se sont pas penchés sur le fonctionnement de la « section disciplinaire du conseil d’administration compétente à l’égard des enseignants-chercheurs et enseignants » où ne siège aucun étudiant. La comparaison entre le fonctionnement de ces deux versions de sections disciplinaires est pourtant éclairant : en terme d’indulgence, les enseignants-chercheurs membres de ces commissions disciplinaires sont au moins aussi indulgents, si ce n’est plus, vis-à-vis des écarts déontologiques et éthiques de leurs collègues, et notamment vis-à-vis de leurs plagiats, que ne le sont les étudiants vis-à-vis d’autres étudiants fautifs. Ici encore, Lille 2 et Paris 8 s’imposent comme cas d’école à cet égard, mais aussi le cas d’Amiens (Université Picardie Jules-Verne).

Pour protéger les enseignants-chercheurs impliqués dans des affaires de plagiats, le plus efficace – il faut alors l’accord du président d’université, mais il est souvent acquis – consiste le plus souvent à se dispenser de convoquer la moindre section disciplinaire. Et si on ne peut éviter la convocation de la section disciplinaire, on s’en arrange comme dans le cas d’Amiens où la sanction du plagiaire comme « étudiant » a permis de le sauver comme « enseignant » (cf. Le plagiaire d’Amiens et « l’acharnement » par Boris Eizykman et Marie-Domitille Porcheron).

La même instance, le Conseil d’administration, élit le président de l’université et désigne les membres de la section disciplinaire. Puis c’est le président qui à l’initiative de la convocation de la section disciplinaire, c’est à dire de membres du CA qui l’ont élu. On imagine que cela ne favorise pas les décisions marquées par une grande indépendance. Élargir, comme le propose le rapport, le vivier des enseignants-chercheurs susceptibles d’être désignés à la section disciplinaire du seul Conseil d’administration au Conseil scientifique et au Conseil de la vie étudiante serait une mesure à envisager quoique d’une efficacité très limitée. Si on considère les cas de Paris 8, on constate que les tolérants aux thèses plagiaires ont aussi bien investi le Conseil scientifique et le  CEVU que le  Conseil d’administration.

Il est dommage que les inspecteurs n’aient pas assisté au colloque « Le plagiat de la recherche » (octobre 2011) ou eu accès avant de rédiger leur rapport au texte de la communication de Mathieu Touzeil-Divina : « Progression et digressions de la répression disciplinaire du plagiat de la recherche » (actes du colloque publiés à Lextenso-éditions) qui dresse la liste des vices de fabrication des sections disciplinaires. L’auteur montre comment, et cela vaut aussi bien pour les sections disciplinaires en formation « usagers » qu’en formation « enseignants-chercheurs et enseignants », ces sections disciplinaires ne respectent à peu près aucun des critères dont on admet qu’ils sont les conditions d’une bonne justice. Mathieu Touzeil-Divina, montre que ces instances ne sont pas en mesure de garantir leur impartialité et leur indépendance, ni la délivrance de décisions équitables et transparentes. L’auteur relève les problèmes associés au fait que l’opportunité des poursuites appartient au seul président d’université et que « le refus de saisir le conseil de discipline est encore et toujours une décision insusceptible de recours contentieux ». L’auteur pense que cette situation favorise les excès de pouvoir et poursuit :

Nous ne disons pas que tous les présidents agissent de façon arbitraire, que tous sont corrompus et pratiquent de tels errements. Nous critiquons le fait que les normes le permettent.

Voilà pourquoi de nombreuses victimes de plagiat sont terriblement frustrées par le fonctionnement académique. C’est parce que certains chefs d’établissements refusent de saisir le CA disciplinaire par peur, sûrement, qu’il soit porté atteinte à la réputation de leur Université dans laquelle aucun étudiant ne fraude, aucun collègue n’est digne de reproches, etc. Quiconque a fréquenté un établissement d’enseignement supérieur français le sait : certaines affaires sont étouffées et il suffirait d’étendre le pouvoir de saisine ou de le modifier au profit des victimes potentielles par exemple pour cela aille déjà mieux [souligné par nous] Car, en agissant ainsi, le président souligne non pas le caractère juridictionnel mais les stigmates d’une pure autorité administrative qui se juge elle-même. Transmettez votre dossier au président : rien ne l’oblige à vous écouter ou à saisir le CA disciplinaire – même si les faits sont avérés, prouvés, évidents, etc.

Voilà en quelque sorte une évocation fidèle de la situation vécue à l’université Paris 8 sous la présidence de Pascal Binczak. Destinataire en février 2011 d’un courrier recommandé AR de Jacques Bolo, un plagié qui avait dressé dans le détail la somme des plagiats dont il avait été victime (cf. Un cas de plagiat universitaire analysé), Pascal Binczak l’a purement et simplement ignoré, n’a rien transmis à la section disciplinaire et pas même à la « commission déontologie » pourtant créée à son initiative pour traiter des thèses plagiaires. La notice de cette thèse plagiaire est toujours sur le SUDOC (cf. Identifiant pérenne de sa notice : http://www.sudoc.fr/080230709) mais Joachim Schöpfel,  directeur de l ‘ANRT, conscient de la contrefaçon, l’a retiré du catalogue à la suite de la mise en ligne de notre article « 400 pages de plagiats :  20,33 euros ! « .

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IV 8 Le CNESER et sa saisie

Recommandations 9, 10 et 11 : elles concernent le rôle du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), plus précisément sa « formation disciplinaire » chargée de traiter les affaires de fraudes, dont celles de plagiat, dans le cas d’appel des décisions des sections disciplinaires des universités. Cet appel peut soit être le fait du président d’université, soit de l’étudiant ou enseignant sanctionné. Les présidents d’université qui déjà négligent souvent de convoquer leur propre section disciplinaire font rarement appel devant le CNESER pour demander une sanction plus sévère (note 11).

L’indulgence que certains reprochent à la section disciplinaire du CNESER concerne essentiellement des annulations de sanctions décidées par des sections disciplinaires à l’égard de tricheries classiques à des examens sur table (anti-sèches, communication avec l’extérieur, etc.). En réalité, l’étude des décisions des dernières années montre que cette prétendue indulgence est le plus souvent fondée sur une approche rigoureuse de la part du CNESER de la notion de preuve et il paraît difficile d’en faire grief à une instance disciplinaire. Par contre, pour les cas de plagiats qui lui sont soumis, en général des plagiats si grossiers que la preuve de la faute est indiscutable – avec le plagiat, le texte est là et on ne peut pas faire disparaître la preuve –, on observe des sanctions particulièrement sévères dans le cas de thèse plagiaire, comme l’exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur (ex. de la sanction disciplinaire n° ESRS0900024S, Bulletin officiel n°6 du 5 février 2009.n°6 du 5 fevrier 2009).

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V – FAIRE ASSUMER AUX UNIVERSITÉS LEURS RESPONSABILITÉS

Nous nous intéresserons aux thèses plagiaires des doctorants – elles sont prises en compte par les rédacteurs du rapport de l’IGEANR – mais aussi aux publications que ses auteurs soient étudiants ou enseignants-chercheurs. Ces documents, thèses et articles, ont en commun d’être diffusés publiquement (note 12) et donc de pouvoir faire l’objet de plainte en contrefaçon de la part des plagiés. Les universités jouent cependant un rôle différent dans l’édition et la diffusion de ces deux types de documents, thèses et articles.

Quelques observations :

A) En ce qui concerne les thèses, on peut considérer qu’à travers les décisions combinées des directeurs de thèse, des directions des laboratoires et des écoles doctorales, du conseil scientifique et de la bibliothèque universitaire, l’université agit comme éditeur des thèses soutenues en son sein. L’université autorise leur soutenance, met les thèses à disposition du public dans sa bibliothèque et transmet une sorte de « bon à tirer » à l’Atelier national de reproduction des thèses à Lille (ANRT) à qui elle délègue l’édition, la diffusion et la vente de ces thèses. La responsabilité de l’université semble, comme éditeur et donc contrefacteur, directement engagée vis-à-vis des plagiés. Il s’agit d’en tirer les conclusions.

B) Dans le cas des articles plagiaires, que ses auteurs soient de simples étudiants et doctorants ou des enseignants-chercheurs, seule une minorité est directement éditée et diffusée par les universités à travers leurs propres éditions universitaires. Il n’empêche que les auteurs eux-mêmes de ces articles se présentent dans la plupart des cas comme appartenant à telle ou telle université ou à tel ou tel laboratoire. La publication de textes plagiaires par des auteurs qui font valoir leur appartenance à une université impose à cette dernière de faire les démarches nécessaires pour que son nom ne soit plus associée à ces documents plagiaires.

C) Outre de porter tort aux plagiés, la diffusion publique de documents universitaires plagiaires met en danger leurs lecteurs – étudiants et universitaires – qui peuvent être conduits à faire sans s’en rendre compte du recel de plagiats par le seul fait de citer innocemment et dans les formes requises le texte d’un plagiaire en l’attribuant à ce dernier plutôt qu’à l’auteur plagié.

D) Il faudrait aussi tenir compte de la diffusion publique des thèses et articles plagiaires, donc contrefactrice, par différentes plateformes d’archives ouvertes, notamment le site HAL (Hyper articles en ligne : http://hal.archives-ouvertes.fr/) géré par le Centre pour la communication scientifique directe, unité de service du CNRS  (CCSd http://ccsd.cnrs.fr).

E) Dans son jugement du 19 juin 2008 concernant l’auteur des thèses plagiaires de Lille 2 et d’Angers, le Tribunal de Grande Instance de Paris précisait :

Par les faits qu’il a commis Edmond le B. a porté préjudice à la partie civile mais il a également porté le discrédit sur les études et les titres universitaires.

Plus récemment, à l’occasion de l’appel d’Alexandre Zollinger, un plagié, contre le jugement en premier instance d’un autre plagiaire de Lille 2 (voir Université Lille 2 : une thèse-plagiat sur… le droit d’auteur), l’université de Poitiers, l’université du plagié, s’est joint es-qualité à la procédure d’appel. Comme le précise la Cour d’appel de Douai dans son arrêt du 3 juillet 2012 :

[L’université de Poitiers a formé] pour son propre compte une demande d’indemnité à hauteur de 5.000 euros en réparation de son préjudice puisque Nicolas De R. a acquis provisoirement par tricherie le même diplôme [délivré par l’Université de Lille 2] que celui délivré par l’Université [de Poitiers] à Alexandre Zollinger de sorte qu’il a dévalorisé le titre de docteur délivré par cette Université et l’a inévitablement associée à une affaire de plagiat à laquelle elle aurait préféré ne jamais être associée à l’origine d’un préjudice d’image.

Si les juges ont rejeté les prétentions de l’université de Poitiers concernant son « préjudice d’image« , il n’empêche qu’il ont reconnu que l’Université Lille 2, celle du plagiaire, aurait pu légitimement faire une requête semblable  :

Cet argument [de l’université de Poitiers] pourrait être légitimement soutenu par l’Université de Lille 2 dont le jury de thèse a été abusé [souligné par nous]; s’agissant de l’Université de Poitiers, ni l’atteinte à l’image ni aucun autre préjudice n’est justifié puisqu’au contraire la présente procédure met en évidence le talent de son étudiant.

En plagiant, un doctorant plagiaire a, selon le Tribunal de Paris, « porté le discrédit sur les études et les titres universitaires » et, selon l’université de Poitiers, « dévalorisé le titre de docteur délivré par cette Université ». La Cour d’appel de Douai a admis le « préjudice d’image » dont l’université Lille 2 aurait pu se plaindre. On conviendra donc, pour reprendre le cas de Paris 8, qu’en validant une thèse plagiaire à près de 100% dans des conditions particulièrement scandaleuses, les 9 membres de la Commission déontologie de Paris 8, ses experts, et le président de Paris 8 qui a laissé faire, ont eux aussi dévalorisé le titre de docteur délivré par l’Université Paris 8 et gravement porté préjudice à son image et par la même à celle de tous les diplômés de Paris 8 et à l’image de l’ensemble de ses enseignants-chercheurs. Les responsables de ce déni de plagiat devraient donc être conduits à s’en expliquer. Il resterait à déterminer s’ils ont été complices, grossièrement négligents, ou grossièrement incompétents (note 13).

 

F) On imagine que les services juridiques des universités pourraient avoir un rôle essentiel de conseil et expertise auprès de la direction de leurs universités respectives pour aider à de justes règlements des affaires de plagiat. À Paris 8 par exemple, « l’expertise en propriété intellectuelle » (cf. http://www.univ-paris8.fr/Service-juridique) fait partie des charges du service juridique. Malgré cela, nous avons malheureusement constaté, à Paris 8 notamment, que les services juridiques peuvent parfois, à la demande implicite de la direction de l’université, être mobilisés au seul service de la protection des personnels impliqués dans les plagiats qui ont fait l’objet d’alertes. Il arrive que les universités protègent plus leurs plagiaires que les plagiés ou les lanceurs d’alertes (note 14).

G) On peut aujourd’hui parler de jurisprudences Peltzer et Zreik : le cas d’enseignants-chercheurs qui s’entêtent à nier leurs plagiats serviles sans que la moindre autorité universitaire ne réagisse. Ces cas sont d’autant plus emblématiques qu’ils  concernent respectivement une ancienne présidente d’université et un expert de l’Agence d’évaluation de l’Enseignement supérieur et de la recherche (AERES). Si les étudiants et doctorants plagiaires demandaient à bénéficier de la même mansuétude accordée à ces enseignants-chercheurs plagiaires, il sera difficile de la leur refuser.

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VI – DE NOUVELLES RECOMMANDATIONS ?

 

 

 

Ces observations faites, nous sommes conduits à proposer ces quelques pistes dont on pourrait tirer de nouvelles recommandations qui viendraient compléter celles de l’Inspection générale :

1) Rompre avec le « funeste secret de famille » dénoncé par Elisabeth G. Sledziewski (note 15) et imposer aux universités qui ont connaissance de plagiats produits en leur sein et diffusés publiquement, d’informer les plagiés. Ceci, afin que ces derniers puissent avoir le choix entre se contenter de suivre le déroulement (il paraîtrait normal qu’il soit invité à témoigner) et les conclusions de l’action disciplinaire ou décider d’une éventuelle action judiciaire à l’encontre du plagiaire contrefacteur et des éditeurs et diffuseurs des contrefaçons, notamment les universités elles-mêmes. À plagiats diffusés publiquement doivent correspondre des résultats d’expertises rendus publics.

2) Aider le plagié. Si l’université est conduite à faire bénéficier un enseignant-chercheur plagiaire de la protection fonctionnelle (prise en charge par l’université des frais d’avocat), il serait justice qu’elle fasse bénéficier le plagié victime d’un plagiat produit en son sein du même avantage, la prise en charge de ses frais d’avocat.

3) Faire cesser la diffusion publique des plagiats universitaires. Les plagiats produits en leur sein repérés, les universités doivent se voir imposer l’obligation d’agir pour empêcher la circulation de ces plagiats. Ceci, afin de sauvegarder l’intérêt des plagiés, comme celui des lecteurs éventuels de ces plagiats. Dans le cas où, compte tenu de la mauvaise volonté des plagiaires, il est impossible de faire disparaître des plagiats de la circulation publique, et notamment d’Internet, les universités pourraient nourrir une base « Danger, plagiats ! » qui dresserait la liste des documents universitaires plagiaires connus en circulation (note 16).

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4) Créer au niveau des universités une instance indépendante et de confiancedont les décisions en matière de plagiat seraient prises dans la transparence et garantiraient la protection du plagié ou du lanceur d’alerte. Dans son intervention au colloque Le plagiat de la recherche scientifiqueThomas Hochmann a présenté les initiatives des universités et institutions de recherche allemandes à ce sujet, notamment la désignation d’un « ombudsman » pour « servir d’interlocuteur en matière de fraude scientifique »  (Favoriser la dénonciation pour contrer le déni : la recherche allemande face au plagiat).

5) Imposer le devoir de détecter le plagiat et assurer la protection des lanceurs d’alerte Reprendre une proposition de Joël Moret-Bailly (co-auteur avec Didier Truchet de Déontologie des juristes, PUF 2010) dans sa communication Plagiat et déontologie académique au même colloque : faire apparaître « soit dans les règles de droit légiféré, soit dans la jurisprudence, un devoir déontologique de détection du plagiat ».

6) Instituer une instance disciplinaire d’appel aussi accessible aux plagiés. Face à des situations de déni caractérisé de plagiat, couvertes au niveau de l’université, permettre aux plagiés et aux donneurs d’alertes de faire appel à une instance universitaire nationale, libre des conflits d’intérêts locaux, pour instruire les cas de travaux universitaires plagiaires publiquement diffusés. Le CNESER disciplinaire, un peu modifié, pourrait se voir confier cette tâche.

7) Mettre en cause les plagiaires et les protecteurs des plagiaires. Aucun universitaire n’est à l’abri de se laisser abuser par des plagiats glissés avec adresse et il serait totalement ridicule et abusif de systématiquement le leur reprocher. Par contre, certaines situations mettent très gravement en cause la responsabilité directe d’enseignants-chercheurs, soit pour avoir couvert les plagiats en toute connaissance de cause, soit comme plagiaire. Dans ces quelques cas, action disciplinaire et action publique doivent pouvoir se conjuguer à leur encontre.

8 ) Faire des services juridiques des universités des auxiliaires efficaces dans la lutte contre le plagiat.

9) Mise à disposition par le Ministère de logiciels adaptés et réflexions sur leurs usages

 

FIN

NOTES

 

 

 

 

 

Note 1 : Valérie Pécresse avait cependant en octobre 2007 commandé à Henri Isaac un rapport, L’université numérique, où la question du plagiat a été abordée. L’auteur du rapport reprenait pour l’essentiel les arguments de Frédéric Agnès, directeur de l’entreprise Six-degrés qui diffuse les logiciels antiplagiat Compilatio.La dernière des dix propositions du rapport d’Henri Isaac s’intitulait  (déjà !) : « Développer une action forte contre le plagiat ». Par la suite, la ministre n’avait su que répéter « logiciel, logiciel… » chaque fois qu’elle était intervenue sur ce thème. En outre, en mars 2011, Valérie Pécresse a confié à Claudine Tiercelin, professeur au Collège de France, « une mission sur l’éthique et la déontologie universitaires » qui devait aborder, outre « les conflits d’intérêts« , le « problème du plagiat accru par l’usage d’Internet « . En mars 2012, on ne trouvera aucune mention concernant le plagiat dans le communiqué publié par le ministère qui a annoncé la remise d’un pré-rapport de Claudine Tiercelin  à Laurent Wauquiez, le successeur de Valérie Pécresse.

Note 2 : si c’est déjà le cas avec le plagiat étudiant traité dans ce rapport, on conviendra que la crédibilité de l’institution est encore plus « minée » avec le plagiat d’enseignants-chercheurs, et plus encore s’il s’agit de directeurs de laboratoires, de membres des conseils des écoles doctorales, de membres des conseils centraux des universités, de membres du Comité national des universités (CNU) ou d’experts de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES).

Note 3 : Nicolas Sarkozy est aussi l’auteur – sa qualité d’auteur a fait l’objet de polémiques – d’un Georges Mandel, le moine de la politique (éditions Grasset, 1994).

Note 4 : Le manuscrit de l’article paru en septembre 2012 dans le n° 71 de la revue Mouvements a été soumis pour lecture à la revue en février 2012. Sa version définitive a été remise à la revue avant que le rapport de l’IGEANR ne soit rendu public.

Note 5 : On rappellera pour illustrer cette situation le cas de A. Aït Abdelmalek, ex-vice-président du CNU de sociologie (27e section) et plagiaire d’Edgar Morin. Si le soutien charitable du plagié au plagiaire dans cette affaire mettait ce dernier à l’abri de toute action publique en contrefaçon, il n’empêche qu’en tant que plagiaire A. Aït Abdelmalek n’était pas à l’abri d’une sanction de nature disciplinaire : il avait conduit ses lecteurs à le considérer comme l’auteur de textes dont Edgar Morin était le véritable auteur.

Note 6 : Xavier Vandendriessch a été vice-président de l’université Lille 2 chargé des affaires juridiques et contentieuses de 2000 à 2004 et président de la section de discipline de Lille 2 de 1997 à 2008. Soucieux de la bonne réputation de Lille 2, il a affirmé à Isabelle Rey-Lefebvre, journaliste du Monde, que Lille 2 était décidé à présenter ses excuses à la plagiée, Bénédicte B. (cf.  Le Monde du 3 mai 2012, p. 17 Le plagiat prospère dans les amphis. Peu sanctionnée, la pratique se répand chez les étudiants et même les enseignants-chercheurs). C’est certes un premier pas, mais Xavier Vandendriessch n’a rien dit concernant l’enquête qui s’impose concernant les rôles respectifs d’enseignants-chercheurs des universités de Lille 2, Paris 8 et Poitiers dans cette affaire.

Note 7 : Christine Bouissou, membre de cette Commission déontologie en tant que Vice-présidente du CS, et Mario Barra-Jover, membre de cette commission en tant que Directeur de l’École doctorale Cognition, langage, interaction – École doctorale d’au moins trois thèses plagiaires, dont la thèse plagiaire à près de 100% validée par la Commission déontologie) ont été récemment élus respectivement vice-président du CA et du CS (donc réélue Vice-présidente du CA dans le cas de Christine Bouisson). Une preuve, s’il en était besoin, que la tolérance au plagiat est aujourd’hui profondément ancrée dans la culture de Paris 8.

Note 8 : Dans ce courrier que nous avions adressé à Raymond Bérard, étaient évoquées les fiches SUDOC des thèses plagiaires suivantes :http://www.sudoc.fr/132176912http://www.sudoc.fr/080230709,http://www.sudoc.fr/080734960http://www.sudoc.fr/053700163.

Note 9 : Quand la thèse plagiaire figure dans le catalogue de l’ANRT, on conseillera vivement au plagié de la commander avant toute autre démarche et déclaration. Le plagié prendra soin de conserver les traces du règlement, la facture et la thèse diffusée par l’ANRT, que ce soit sous sa version micro-fiches (20,33 euros en 2012) ou sa version papier, plus onéreuse (74 euros).

Note 10 : Bergadaa Michelle (2012) « Science ou plagiat ». In Expression de l’innovation en géosciences. Paris : Presses des Mines, Collection Sciences de la Terre et de l’environnement, pp. 51- 63.

Note 11 : Il n’est par exemple pas venu à l’idée de Pascal Binczak de faire appel de cette drôle de décision de la section disciplinaire de Paris 8 exposée par un collègue, Alain de Tolédo, maître de conférences en économie en commentaire à l’article  : L’université Paris 8, sa direction, sa Commission déontologie et sa thèse-pur-plagiat écrite « sous le signe de l’excellence » .

J’enseigne pour ma part au département d’économie de Paris 8. Depuis quelques années le « copier-coller » se répand parmi mes étudiants et ceci malgré mes nombreux avertissements. Toutefois, la rupture de style est tellement évidente qu’il ne m’est pas trop difficile de repérer les mémoires dont les pages sont empruntées. Dernièrement j’ai eu à faire à une nouvelle forme de ce sport de haut niveau : c’est en plein examen que des étudiants ont pu se brancher sur internet.
Le plus intéressant de l’histoire est que j’ai envoyé sept étudiants devant le conseil de discipline qui les a tous blanchis. Le cas le plus flagrant est celui d’une étudiante dont la totalité de la copie était du copier-coller de wikipédia, pris sur six pages web différentes : l’étudiante a plaidé qu’elle avait appris par cœur wikipédia et le conseil de discipline a décrété, dans sa grande sagesse, qu’il n’avait pas la preuve de la fraude…
 

Note 12 : Dans l’article Thèse-plagiat « Liège-Nanterre-Liège » : le jugement en contrefaçon, nous faisons état d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 9 mars 2010 qui considère que la diffusion publique de la thèse plagiaire objet de la plainte en contrefaçon a commencé dès la communication des exemplaires de la thèse aux rapporteurs, avant même la soutenance publique (dans ce cas, la soutenance sera suspendue une fois les plagiats découverts par un rapporteur).

Note 13 : « You are either complicit in what’s going, grossly negligent, or grossly  incompetent » (Vous étiez soit complice de ce qui s’est passé, soit grossièrement négligent, soit grossièrement incompétent), cette observation adressée en juillet 2012 à Bob Diamond, patron de la banque Barclays impliqué dans le scandale du Libor (London interbank offered rate), par John Mann, honorable parlementaire britannique, vaut aussi bien pour nos honorables collègues universitaires : pour tous les membres du jury de la thèse de Sang-Ha Suh, dont Gilles Bernard ancien vice-président de Paris 8, pour Imad Saleh, directeur du laboratoire Paragraphe qui a laissé soutenir cette thèse alors qu’il avait été personnellement informé que son auteur avait déjà plagié près de 100% de son mémoire de DEA, pour  les 9 membres de la Commission déontologie – dont les 3 vice-présidents des conseils centraux et les 4 directeurs des écoles doctorales de Paris 8 –, ses « experts » et Pascal Binczak, alors président de Paris 8.

Note 14 : Ainsi cette situation dont nous faisons état en juillet 2012 dans un courrier adressé à Danielle Tartakowsky, nouvelle Présidente de Paris 8 (à l’occasion d’un rendez-vous en septembre, la présidente nous a dit préférer « aller de l’avant » que de revenir sur le passé. Elle a donc décidé de ne pas prendre nos requêtes en compte) :

Je voudrais aussi vous exposer de vive voix plusieurs problèmes qui me concernent plus personnellement. Pascal BINCZAK a montré une particulière mauvaise volonté à leurs trouver une solution :
– La suppression d’une partie de ma prime de recherche de l’année 2011-2012 en conséquence de manœuvres des professeurs Imad SALEH et Ali CHERIF à mon encontre après mes alertes sur des cas de thèses plagiaires impliquant Imad SALEH et Khaldoun ZREIK. J’avais fait connaître cette situation à Elisabeth BAUTIER (VP CS), Christine BUISSOU (VP CA) et Pascal BINCZAK sans qu’ils réagissent comme leur devoir l’imposait.
– Le refus de Pascal BINCZAK de me faire bénéficier de la protection fonctionnelle dans le cadre du procès que m’a fait mon collègue plagiaire Khaldoun ZREIK. Je bénéficiais pourtant en principe de cette protection fonctionnelle puisque Pascal BINCZAK me l’a accordée en 2010 dans la perspective d’une plainte alors déjà annoncée par Khaldoun ZREIK et qui sera déposée en octobre 2011 ; cette protection fonctionnelle aurait donc dû conduire l’université Paris 8 à  prendre en charge  mes frais d’avocat. Vous conviendrez qu’il n’est pas très moral que, pour le moment, les seuls frais d’avocat pris en charge dans cette affaire par l’université Paris 8 soient ceux de l’enseignant-chercheur plagiaire qui avait déposé une plainte abusive contre moi.

 

Note 15 : Communication d’Elisabeth G. Sledziewski au colloque Le Plagiat de la recherche scientifique – Le plagiat dans la république : approche éthique et politique :

Figure(s) de la mauvaise foi

Mauvaise foi d’une Université qui, en dépit de son activisme normatif, manque à sa mission politique d’institution symbolique et de montage du sens, dans la mesure où elle se révèle impuissante à réprimer efficacement ce qu’elle prohibe, en autres le plagiat. Celui-ci occasionnant une rupture de crédibilité dans le cœur de métier académique, la production idéelle du bien commun par le progrès des lumières, à laquelle est commise l’Université, on n’est pas seulement en présence de manquements ponctuels à une déontologie professionnelle, celle de la recherche en l’occurrence, mais d’une carence éthique foncière, globalement préjudiciable à la cité.

De fait, l’institution tolère le plagiat comme le sport cycliste a longtemps toléré le dopage « à l’insu de son plein gré ». En France du moins, le développement avéré du plagiarisme demeure un funeste secret de famille.

Les instances disciplinaires compétentes s’appliquent à brouiller les traces de faits parfois classés sans suite, parfois sanctionnés, mais bien plus souvent refoulés dans le non-dit qu’affrontés au grand jour. Comme si d’avantage que d’éradiquer le mal, l’important était de protéger l’institution de son propre désarroi.

 

Note 16 : « DANGER, PLAGIATS ! » : des plagiats qui engagent l’université Paris 8, déjà présentés sur ce blog, serviront d’exemples. Comment la direction de cette université n’est-elle toujours pas intervenue pour faire cesser la diffusion des articles qui suivent et dont elle ne peut pourtant plus faire semblant d’ignorer qu’ils sont – même publiés sous le parrainage de la prestigieuse IEEE – des patchworks de plagiats auxquels Khaldoun Zreik a associé le nom de l’Université Paris 8 :

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– Arabic supervised learning method using N-gram(fichier pdf, ici).

– Internet Arabic Search Engines Studies (fichier pdf, ici )

– L’accès Multilingue à l’information scientifique et technologique : limitations des moteurs de recherche en langue Arabe (fichier pdf, ici).

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Ne serait-il pas raisonnable que la direction de l’université Paris 8 demande aussi au responsable des éditions Europia (il s’agit de Khaldoun Zreik lui-même. Responsable des éditions Europia, il est ainsi co-auteur mais aussi éditeur de ses propres plagiats) de glisser un avertissement aux lecteurs de l’ouvrageSystèmes Intelligents : Théories et Applications(2009) dans lequel est publié l’article-plagiatUtilisation de N-Gramme dans la recherche d’information arabe (Majed Sanan, Mahmoud Rammal, Khaldoun Zreik).

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Le même avertissement au plagiat s’impose pour les actes du Colloque ICHSL6 (Common Innovation in e-Learning, Machine Learning and Humanoid), aussi publiés chez Europia en 2008, où figure du plagiat à la pelle dans Arabic documents classification using N-gram (Majed Sanan, Mahmoud Rammal, Khaldoun Zreik).

Ces plagiats ICHSL6 sont présentés dans Autopsie d’une thèse plagiat, suite (mai 2010).

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Et glisser un troisième avertissement au lecteur dans l’ouvrage des éditions Europia, Le document numérique dans le monde de la science et de la recherche; Actes du dixième colloque international sur le document électronique (CIDE.10, 2007) à propos de la version papier de l’article plagiaire en ligne signalé plus haut : L’accès Multilingue à l’information scientifique et technologique : limitations des moteurs de recherche en langue Arabe (Majed Sanan, Mahmoud Rammal, Khaldoun Zreik).

 

 

FIN