PLAGIAT : ÉTHIQUE EN TOC À L’UNIVERSITÉ DE LORRAINE
15 octobre 2012
Jacques Lonchamp est Professeur d’informatique à l’Université de Lorraine.
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Après avoir alerté sans succès l’ensemble des responsables concernés de mon Université, il me semble utile de rapporter la petite histoire qui suit. Elle en dit long sur l’absence de prise au sérieux des questions liées au plagiat.
En Octobre 2009, un enseignant-chercheur en informatique de l’Université Henri Poincaré (aujourd’hui Université de Lorraine) est reconnu coupable par l’INRIA (organisme national de recherche en informatique auquel le LORIA est associé) de complicité active de plagiat. Les termes du mail adressé à l’ensemble des responsable par le PDG de l’INRIA sont éloquents :
« Après analyse des huit publications incriminées (6 colloques, une revue et une thèse) et après audition des personnes concernées, les conclusions de l’enquête sont sans ambigüité : ‘La commission juge les faits reprochés d’une très grande gravité. Le plagiat est patent et inexcusable. Les responsabilités sont claires.’
En particulier, la responsabilité du chef de projet est gravement engagée, en tant que directeur de la thèse incriminée, en tant que scientifique co-auteur des publications, et en tant que chef de l’équipe. Il n’a clairement pas exercé la vigilance normalement exigée par ses responsabilités. Il a été alerté assez tôt par un de ses co-équipiers sur un premier plagiat, mais il a poursuivi, sans d’avantage de rigueur, en co-signant 6 autres publications de même nature et en menant l’encadrement de la thèse incriminée jusqu’à soutenance.
Cette conduite est clairement incompatible avec la responsabilité de chef d’équipe et motive la décision [de révocation] qui a été prise. »
Moins de 3 ans après, cette personne vient d’être promue à la classe exceptionnelle des professeurs par l’Université de Lorraine. Un grade envié auquel une cinquantaine de candidats prétendaient. Le Président de l’Université, qui faisait partie de la commission d’enquête ayant rendu les conclusions qui viennent d’être rappelées n’ignorait rien de ces faits, qui lui ont d’ailleurs été rappelés. Déjà à l’époque la commission de discipline de l’Université s’était désolidarisée de la décision de l’INRIA (qui faisait suite à l’intervention musclée d’une université étrangère) en alléguant d’un chercheur piégé par son thésard.
Un piégé très accommodant comme on l’a vu et qui permet au plagiaire de continuer à exercer ses talents dans une université étrangère. Aujourd’hui, le Président évoque une « interprétation » divergente des conclusions de l’enquête (on avait compris…) et une « décision du PDG de l’INRIA prise de manière unilatérale avant la fin de l’enquête administrative » (hou le vilain…) comme pauvres justifications à cette promotion.
Ce consternant épisode est très révélateur :
(1) Les questions liées au plagiat et à l’éthique continuent à ne pas être prises au sérieux par beaucoup de hauts responsables universitaires.
(2) Le jugement est faussé par la proximité. De Paris la faute apparaît clairement. De Lorraine la presbytie fait des ravages…
(3) L’alpha et l’oméga actuel est le nombre de publications. Il est donc recommandé de presser tout citron jusqu’à la dernière goutte.
(4) Dans le cas particulier des promotions locales, la quasi totalité des professeurs qui décident en CA restreint sont élus sur la liste du Président. Difficile d’espérer une prise de conscience individuelle quand on les alerte de leur égarement. Pour couronner le tout on pourrait suggérer au Président de créer un chargé de mission à l’éthique. Il a maintenant sous la main le professeur de classe exceptionnelle idéal pour occuper la fonction.
Jacques Lonchamp.
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