La culture du plagiat au cœur de la 71e section du CNU : [1] Des comités de sélection, facteurs de contamination

Posté par Jean-Noël Darde

5 février 2013

La CP-CNU et la tolérance au plagiat

Dans un précédent article mis en ligne le 14 janvier, La Commission permanente du Conseil national des universités, nous nous étonnions que la CP-CNU n’ait pas à l’issue de son assemblée du 14 décembre diffusé un communiqué sur le plagiat. Ceci, comme Dominique Faudot, Présidente de la CP-CNU, s’y était engagée lors de notre rencontre le 6 décembre. L’oubli a été réparé puisque la CP-CNU vient de  diffuser, à la fin du mois de janvier, auprès de tous les membres du CNU une Lettre d’information n°1 dont le premier point traite de cette question :

1 – Plagiat – Interpelé au sujet de la question du plagiat à l’université, le bureau a produit le communiqué suivant :

Les membres du bureau et du comité consultatif de la CP-CNU, réunis le 14 décembre 2012, sont préoccupés par le phénomène de plagiat dans les publications scientifiques. Ils demandent aux membres des sections CNU d’exercer toute leur vigilance dans l’expertise des dossiers de demande de qualification.

On ne peut que se féliciter de la préoccupation, même tardive, des membres du bureau et du comité consultatif de la CP-CNU au sujet du plagiat. On s’étonnera cependant que les membres de la CP-CNU se croient eux-mêmes totalement dispensés de cette « vigilance dans l’expertise » qu’ils demandent à tous les membres du CNU… y compris ses dopés au plagiat.

Rappelons en effet qu’ « interpellée » sur ce point précis, la CP-CNU s’acharne a diffuser sur son site (http://www.cpcnu.fr/) une notice biographique du Lance Amstrong de la 71e section du CNU… dont la liste des « 5 publications caractéristiques des domaines de spécialité » commence par de superbes et grossiers plagiats (voir les fichiers Meziani-Saleh.Ouarzazate 2011.pdfMeziani-Magalhaes Lisbonne 2009.pdf et  Saleh-Meziani.iiWAS2010.pdf). Ce type de « spécialité » ne devrait pas avoir droit de cité sur le site officiel de la Commission permanente du Conseil National des Universités.

On conviendra que confier à un membre plagiaire du CNU l’évaluation des dossiers de demande de qualification participe à favoriser la contamination plagiaire à l’université. De même, comme nous l’exposons ci-dessous, confier l’évaluation et la sélection des candidats aux postes de maître de conférences et professeurs à des Comités de sélection où siègent des plagiaires ou même ne serait-ce que des enseignants-chercheurs tolérants ou aveugles au plagiat ouvre aux mêmes risques.

Contamination, épidémiologie, facteurs de risques…  Michelle Bergadaa confirme dans un article récemment mis en ligne, Epidémiologie universitaire : le cas du plagiat, que cette approche « médicale » est parfaitement opératoire pour traiter de la diffusion du plagiat universitaire [note 1].

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Les Comités de sélection et la tolérance au plagiat

Les « Comités de sélection » ont remplacé en  2004  les « Commissions de spécialistes ». Leur tâche est d’évaluer les dossiers des candidats et de pourvoir les postes de Maîtres de conférences et de Professeurs mis au concours.

En mai 2010, déjà, dans un article mis en ligne sur la première version de ce blog, Comités de sélection, plagiat et les mystères de Paris 8,  nous nous inquiétions que l’on puisse, à travers les Comités de sélection, confier à des enseignants-chercheurs plagiaires ou totalement aveugles aux plagiats les plus grossiers la sélection des nouveaux maîtres de conférences et professeurs :

Que se passe-t-il quand des enseignants tolérants au plagiat [nous ajoutons aujourd’hui : a fortiori des enseignants-chercheurs plagiaires] siègent dans des comités de sélection ? L’universitaire plagiaire sera conduit à favoriser le recrutement d’un nouvel enseignant au minimum « tolérant au plagiat », il en va de sa propre protection. Ce raisonnement vaut aussi pour les enseignants « tolérants au plagiat », même passivement.
La cooptation qui régit la constitution des « collèges de spécialistes » et « des comités de sélection » facilite le regroupement dans certains comités, à l’initiative des plus « tolérants », de noyaux quasi-structurés d’enseignants « tolérants au plagiat ».

Les années 2011 et 2012 ont vu à nouveau des Comités de sélection de la 71e section, notamment à Paris 8, sous l’influence d’enseignants-chercheurs plagiaires, ou particulièrement tolérants ou aveugles au plagiat. Ainsi se propage la tolérance au plagiat… et le plagiat. Aucune situation ne peut mieux l’illustrer que l’exemple du Comité de sélection de l’Université de Bourgogne présenté ci-dessous.

Dans un article mis en ligne en septembre 2011 – La 71e section du Conseil National des Universités et la tolérance au plagiat –, nous avions attiré l’attention sur le cas de deux des sept listes candidates aux élections du CNU qui accordaient une place très consistante aux plagiaires et aux tolérants au plagiat : la liste Action et Interaction emmenée par Imad Saleh, plagiaire, directeur du laboratoire Paragraphe et Directeur-adjoint de l’École doctorale Cognition, Langage et Interaction (CLI), et la liste Ensemble pour la valorisation et la promotion des SIC du collège A qui affichait en bonnes places des collègues cités sur notre blog pour avoir, selon les cas, dirigé et validé des thèses aux plagiats très grossiers, ou encore avoir toléré ou même pratiqué le plagiat. Précisons que justice, indépendance et transparence étaient les trois valeurs mises en avant dans la profession de foi (ici, en fichier pdf) de  la liste Action et Interaction conduite par Imad Saleh.

C’est un collègue de l’Université de Bourgogne qui a attiré notre attention sur l’étonnante composition de ce Comité de sélection chargé en 2012 de pourvoir un emploi de Maître de conférences de la 71e section dans cette université.

Le surlignage en rouge des deux documents qui suivent met en évidence que 5 des 6 professeurs de ce Comité de sélection ont été choisis parmi 5 des 6 professeurs de la seule liste Action et Interaction dirigée par notre collègue plagiaire Imad Saleh. Il est difficile d’imaginer que cette situation tienne du seul hasard d’autant plus que Jean-Jacques Boutaud, lui aussi candidat au CNU sur la liste Action et Interaction, a obligatoirement joué comme président de ce comité de sélection un rôle prépondérant pour dresser la liste des « membres externes » invités à y siéger. On notera que le 6e professeur de ce Comité de sélection faisait partie de cette même liste Action et Interaction dans sa version antérieure, celle des élections du CNU en 2007.

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Le choix de tous les professeurs d’un Comité de sélection parmi les seuls membres d’une des sept listes candidates aux élections de la 71e section du CNU a déjà de quoi heurter. Quand en plus, les membres de cette liste ont mis à sa tête un enseignant-chercheur plagiaire, de mauvais esprits pourraient y voir un facteur favorisant la tolérance au plagiat et la contamination du plagiat. Il n’est pas très rassurant que Dominique Faudot, Présidente de la CP-CNU (et Professeur à l’Université de Bourgogne), et Yves Jeanneret, Président de la 71e section, informés de vive voix de cette situation lors de notre rencontre du 6 décembre n’y aient discerné le moindre soupçon de trace d’un problème d’ordre déontologique.

La dénonciation du plagiat… à géométrie variable

Notons encore la présence sur cette liste Action et Interaction et dans ce Comité de sélection de l’Université de Bourgogne la présence de Pascal Lardellier, un collègue qui a eu des propos sévères vis-à-vis des plagiaires. Dans son ouvrage  – Le Pouce et la Souris. Enquête sur la culture numérique des ados (Fayard, 2006) et une Tribune publiée en avril 2006 dans le journal Libération « Google » copié-collé, l’arme fatale des étudiants, il n’évoquait, il est vrai, que les plagiats et copier-coller des collégiens et des étudiants :

Toute personne faisant preuve d’un minimum de discernement sait que la «pêche en ligne» a ses limites. Mais une génération arrive qui a rarement ce scrupule méthodologique. /…

Ainsi, les entorses à la propriété intellectuelle induites par la recherche en ligne sont de plus en plus fréquentes. Ce qui circule sur le Net est-il considéré comme du domaine public ? Certes non. Mais certains s’embarrassent de moins en moins de scrupules, en glanant allégrement des infos numériques «sans domicile fixe», dont ils s’attribuent ensuite la paternité. Les cas sont de plus en plus fréquents de mémoires ajournés quand les évaluateurs découvrent (si possible avant la soutenance) que l’essentiel du travail résulte de piratage en ligne de travaux antérieurs sur le même sujet. Car les moteurs de recherche ouvrent bien l’ère de l’industrialisation de l’appropriation de la pensée d’autrui. A côté, le «photocopillage» des années 90 relève de l’amateurisme. /…

On ne reprochera donc pas à Pascal Lardellier d’être aveugle au plagiat dont il a si bien parlé. Il reste à constater que son intolérance aux plagiats concerne les seuls copier-coller des collégiens et étudiants et ne vise aucunement les plagiats de son collègue enseignant-chercheur, tête de la liste qu’il a défendue aux élections du CNU. Pascal Lardellier, pourfendeur du plagiat, est devenu très silencieux devant un collègue très plagiaire.

Ajoutons que collèges A (les professeurs) et B (les maître de conférences) réunis, la liste Action et interaction comprenait plusieurs enseignants-chercheurs plagiaires. Le parcours de l’un d’entre eux permet de suivre les traces de la contamination : thèse avec plagiats sous la direction d’un professeur très tolérant au plagiat, qualification par un CNU (71e section) aveugle au plagiat, ou distrait, recrutement dans un département et laboratoire dirigé par un directeur très tolérant au plagiat… Ce  plagiaire siège aujourd’hui dans… une commission anti-plagiat mise en place dans son université de l’Est de la France. Si un plagiaire a sa place au CNU pourquoi ne l’aurait-il pas aussi dans une commission anti-plagiat.

La solidarité de corps entre universitaires, les solidarités de ceux qui siègent dans les mêmes jurys et comités de rédaction, participent aux mêmes colloques et dont les promotions dépendent des uns des autres, leurs intérêts croisés, expliquent en grande part que l’on voit des enseignants-chercheurs non-plagiaires venir au secours d’enseignants-chercheurs plagiaires. L’organigramme du colloque H2PTM’2013 (« usages et pratiques numériques« … ça tombe bien !) en est une parfaite illustration.

Les propos d’Hélène Maurel-Indart dans son dernier ouvrage, « Petite enquête sur le plagiaire sans scrupule » (Éditions Léo Scheer, 2013) font écho à cette situation :

Le mandarin plagiaire est de tous les comités de sélection, il règne – de préférence – dans une section de CNU, il délivre les certificats de qualification pour les candidats aux postes de l’enseignement supérieur. Tout cela vaut bien un plagiat consenti. Le docteur plagié se résigne le plus souvent à des plaintes secrètes. Il suffit de lui faire miroiter une carrière prometteuse et le voilà prêt à accepter le sacrifice de sa paternité littéraire.

Le postdoc, celui qui dans le jargon universitaire a obtenu son titre de docteur, a l’avantage de livrer un ouvrage abouti, mais non encore publié. S’il est magnanime, l’universitaire plagiaire peut même lui proposer d’apposer leurs deux noms à la publication. Ce compromis les liera encore plus. Comment un jeune docteur en quête de publications pourrait-il refuser une telle chance d’édition ? Cela vaudrait presque des remerciements. La victime devient un allié de son bourreau dont dépend son sort professionnel.

Le cas dont témoigne la notice biographique diffusée par la CP-CNU illustre le portrait de l’universitaire plagiaire dressé par Hélène Maurel-Indart. Quoique cette dernière n’avait pas même osé imaginer cette variante : l’universitaire plagiaire s’impose pour co-signer… les plagiats de son doctorant plagiaire…

Et tout ça, comme nous l’établirons sur ce blog, n’est que la partie émergée de l’iceberg.

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Le laboratoire Paragraphe (double Labex), l’École doctorale Cognition, langage, Interaction, le conseil  scientifique, la Commission déontologie (sic) et les Présidents successifs de l’Université Paris 8, le Président et le bureau de la 71e section du CNU, la Présidente, le bureau et le comité consultatif de la CP-CNU, le Ministère… toutes ces instances s’avèrent incapables de nommer « plagiats »… des copier-coller et plagiats grossiers et de nommer « plagiaires »… des enseignants-chercheurs plagiaires avérés.

Cette situation montre la nécessité d’une instance universitaire nationale, indépendante, placée à l’abri des connivences, des pressions et des conflits d’intérêts pour juger et traiter des plagiats des enseignants-chercheurs.

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Note 1 : Le témoignage d’Alain de Tolédo (Maitre de Conférences HDR – Département d’économie et de Gestion, Université Paris 8 ), accessible sur le site de M. Bergadaa, montre comment les mauvais médecins de la commission disciplinaire de Paris 8 favorisent la gangrène. Cette décision du CNESER disciplinaire publiée dans le B.O. d’octobre 2012 permet de comparer la réaction de l’Université d’Orléans et celle de Paris 8 confrontées l’une et l’autre à des situations de plagiat très semblables. Il est vrai que la Commission déontologie (sic) de l’Université Paris 8 a, entre autres, validé une thèse plagiaire à près de 100% et admet les articles plagiaires d’enseignants-chercheurs, il est donc cohérent et juste que sa section disciplinaire couvre les plagiats de jeunes étudiants de licence.

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Dans un prochain article – toujours à propos de situations qui favorisent la tolérance au plagiat dans la 71e section – nous traiterons des conditions de la qualification en 2011 par les experts de la 71e section du CNU et de l’AERES de la revue RIHM (Revue des Interactions Humaines Médiatisées; co-rédacteurs en Chef : Sylvie Leleu-Merviel et Khaldoun Zreik. Éditions Europia).

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  1. Jean Agnès